L'école des femmes
Molière
太太学堂
莫里哀
Acte II
Scène 3 : ALAIN, GEORGETTE.
GEORGETTE
Mon Dieu, qu'il est terrible!
Ses regards m'ont fait peur, mais une peur horrible,
Et jamais je ne vis un plus hideux chrétien.
ALAIN
Ce monsieur l'a fâché ; je te le disais bien.
GEORGETTE
Mais que diantre est-ce là, qu'avec tant de rudesse
Il nous fait au logis garder notre maîtresse?
D'où vient qu'à tout le monde il veut tant la cacher,
Et qu'il ne saurait voir personne en approcher?
ALAIN
C'est que cette action le met en jalousie.
GEORGETTE
Mais d'où vient qu'il est pris de cette fantaisie?
ALAIN
Cela vient... Cela vient de ce qu'il est jaloux.
GEORGETTE
Oui ; mais pourquoi l'est-il? et pourquoi ce courroux?
ALAIN
C'est que la jalousie... entends-tu bien, Georgette,
Est une chose... là... qui fait qu'on s'inquiète...
Et qui chasse les gens d'autour d'une maison.
Je m'en vais te bailler une comparaison,
Afin de concevoir la chose davantage.
Dis-moi, n'est-il pas vrai, quand tu tiens ton potage
Que si quelque affamé venait pour en manger,
Tu serais en colère, et voudrais le charger?
GEORGETTE
Oui, je comprends cela.
ALAIN
C'est justement tout comme.
La femme est en effet le potage de l'homme ;
Et, quand un homme voit d'autres hommes parfois
Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,
Il en montre aussitôt une colère extrême.
GEORGETTE
Oui ; mais pourquoi chacun n'en fait-il pas de même
Et que nous en voyons qui paraissent joyeux
Lorsque leurs femmes sont avec les biaux monsieux?
ALAIN
C'est que chacun n'a pas cette amitié goulue
Qui n'en veut que pour soi.
GEORGETTE
Si je n'ai la berlue,
Je le vois qui revient.
ALAIN
Tes yeux sont bons, c'est lui.
GEORGETTE
Vois comme il est chagrin.
ALAIN
C'est qu'il a de l'ennui.