L'école des maris
Molière
丈夫学堂
莫里哀
ACTE II
Scène V
VALÈRE, ERGASTE.
VALÈRE
Que vient de te donner cette farouche bête ?
ERGASTE
Cette lettre, Monsieur, qu'avec cette boîte
On prétend qu'ait reçue Isabelle de vous,
Et dont elle est, dit-il, en un fort grand courroux ;
C'est sans vouloir l'ouvrir qu'elle vous la fait rendre :
Lisez vite, et voyons si je me puis méprendre.
VALÈRE
"Cette lettre vous surprendra sans doute, et l'on peut trouver bien hardi pour moi et le dessein de vous l'écrire et la manière de vous la faire tenir ; mais je me vois dans un état à ne plus garder de mesures. La juste horreur d'un mariage dont je suis menacée dans six jours me fait hasarder toutes choses ; et dans la résolution de m'en affranchir par quelque voie que ce soit, j'ai cru que je devais plutôt vous choisir que le désespoir. Ne croyez pas pourtant que vous soyez redevable de tout à ma mauvaise destinée : ce n'est pas la contrainte où je me trouve qui a fait naître les sentiments que j'ai pour vous ; mais c'est elle qui en précipite le témoignage, et qui me fait passer sur des formalités où la bienséance du sexe oblige. Il ne tiendra qu'à vous que je sois à vous bientôt, et j'attends seulement que vous m'ayez marqué les intentions de votre amour pour vous faire savoir la résolution que j'ai prise ; mais surtout songez que le temps presse, et que deux coeurs qui s'aiment doivent s'entendre à demi-mot."
ERGASTE
Hé bien ! Monsieur, le tour est-il d'original ?
Pour une jeune fille, elle n'en sait pas mal !
De ces ruses d'amour la croirait-on capable ?
VALÈRE
Ah ! je la trouve là tout à fait adorable.
Ce trait de son esprit et de son amitié
Accroît pour elle encor mon amour de moitié ;
Et joint aux sentiments que sa beauté m'inspire.
ERGASTE
La dupe vient ; songez à ce qu'il vous faut dire.