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浦尔叟雅克先生 第一幕 场景八
日期:2011-03-07 18:33  点击:244

Molière
Monsieur de Pourceaugnac
莫里哀
浦尔叟雅克先

 

ACTE I

SCENE VIII


PREMIER MÉDECIN, SECOND MÉDECIN, MONSIEUR DE POURCEAUGNAC , L'APOTHICAIRE.
PREMIER MÉDECIN
Ce m'est beaucoup d'honneur, Monsieur, d'être choisi pour vous rendre service.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Je suis votre serviteur.
PREMIER MÉDECIN
Voici un habile homme, mon confrère, avec lequel je vais consulter la manière dont nous vous traiterons.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Il ne faut point tant de façons, vous dis-je, et je suis homme à me contenter de l'ordinaire.
PREMIER MÉDECIN
Allons, des sièges.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Voilà, pour un jeune homme, des domestiques bien lugubres !
PREMIER MÉDECIN
Allons, Monsieur : prenez votre place, Monsieur.
Lorsqu'ils sont assis, les deux Médecins lui prennent chacun une main, pour lui tâter le pouls.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, présentant ses mains
Votre très humble valet.
Voyant qu'ils lui tâtent le pouls.
Que veut dire cela ?
PREMIER MÉDECIN
Mangez-vous bien, Monsieur ?
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Oui, et bois encore mieux.
PREMIER MÉDECIN
Tant pis : cette grande appétition du froid et de l'humide est une indication de la chaleur et sécheresse qui est au dedans. Dormez-vous fort ?
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Oui, quand j'ai bien soupé.
PREMIER MÉDECIN
Faites-vous des songes ?
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Quelquefois.
PREMIER MÉDECIN
De quelle nature sont-ils ?
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
De la nature des songes. Quelle diable de conversation est-ce là ?
PREMIER MÉDECIN
Vos déjections, comment sont-elles ?
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Ma foi ! je ne comprends rien à toutes ces questions, et je veux plutôt boire un coup.
PREMIER MÉDECIN
Un peu de patience, nous allons raisonner sur votre affaire devant vous, et nous le ferons en français, pour être plus intelligibles.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Quel grand raisonnement faut-il pour manger un morceau ?
PREMIER MÉDECIN
Comme ainsi soit qu'on ne puisse guérir une maladie qu'on ne la connaisse parfaitement, et qu'on ne la puisse parfaitement connaître sans en bien établir l'idée particulière, et la véritable espèce, par ses signes diagnostiques et prognostiques, vous me permettrez, Monsieur notre ancien, d'entrer en considération de la maladie dont il s'agit, avant que de toucher à la thérapeutique, et aux remèdes qu'il nous conviendra faire pour la parfaite curation d'icelle. Je dis donc, Monsieur, avec votre permission, que notre malade ici présent est malheureusement attaqué, affecté, travaillé de cette sorte de folie que nous nommons fort bien mélancolie hypocondriaque, espèce de folie très fâcheuse, et qui ne demande pas moins qu'un Esculape comme vous, consommé dans notre art, vous, dis-je, qui avez blanchi, comme on dit, sous le harnais, et auquel il en a tant passé par les mains de toutes les façons.
Je l'appelle mélancolie hypocondriaque, pour la distinguer des deux autres ; car le célèbre Galien établit doctement à son ordinaire trois espèces de cette maladie que nous nommons mélancolie, ainsi appelée non-seulement par les Latins, mais encore par les Grecs, ce qui est bien à remarquer pour notre affaire : la première, qui vient du propre vice du cerveau ; la seconde, qui vient de tout le sang, fait et rendu atrabilaire ; la troisième, appelée hypocondriaque, qui est la nôtre, laquelle procède du vice de quelque partie du bas-ventre et de la région inférieure, mais particulièrement de la rate, dont la chaleur et l'inflammation porte au cerveau de notre malade beaucoup de fuligines épaisses et crasses, dont la vapeur noire et maligne cause dépravation aux fonctions de la faculté princesse, et fait la maladie dont, par notre raisonnement il est manifestement atteint et convaincu. Qu'ainsi ne soit, pour diagnostique incontestable de ce que je dis, vous n'avez qu'à considérer ce grand sérieux que vous voyez ; cette tristesse accompagnée de crainte et de défiance, signes pathognomoniques et individuels de cette maladie, si bien marquée chez le divin vieillard Hippocrate ; cette physionomie, ces yeux rouges et hagards, cette grande barbe, cette habitude du corps, menue, grêle, noire et velue, lesquels signes le dénotent très affecté de cette maladie, procédante du vice des hypocondres : laquelle maladie, par laps de temps naturalisée, envieillie, habituée, et ayant pris droit de bourgeoisie chez lui, pourrait bien dégénérer ou en manie, ou en phthisie, ou en apoplexie, ou même en fine frénésie et fureur. Tout ceci supposé, puisqu'une maladie bien connue est à demi guérie, car ignoti nulla est curatio morbi, il ne vous sera pas difficile de convenir des remèdes que nous devons faire à Monsieur.
Premièrement, pour remédier à cette pléthore obturante, et à cette cacochymie luxuriante par tout le corps, je suis d'avis qu'il soit phlébotomisé libéralement, c'est-à-dire que les saignées soient fréquentes et plantureuses : en premier lieu de la basilique, puis de la céphalique. Et même, si le mal est opiniâtre, de lui ouvrir la veine du front, et que l'ouverture soit large, afin que le gros sang puisse sortir ; et en même temps, de le purger, désopiler, et évacuer par purgatifs propres et convenables, c'est-à-dire par cholagogues, mélanogogues, et caetera ; et comme la véritable source de tout le mal est ou une humeur crasse et féculente, ou une vapeur noire et grossière qui obscurcit, infecte et salit les esprits animaux, il est à propos ensuite qu'il prenne un bain d'eau pure et nette, avec force petit-lait clair, pour purifier par l'eau la féculence de l'humeur crasse, et éclaircir par le lait clair la noirceur de cette vapeur ; mais, avant toute chose, je trouve qu'il est bon de le réjouir par agréables conversations, chants et instruments de musique, à quoi il n'y a pas d'inconvénient de joindre des danseurs, afin que leurs mouvements, disposition et agilité puissent exciter et réveiller la paresse de ses esprits engourdis, qui occasionne l'épaisseur de son sang, d'où procède la maladie. Voilà les remèdes que j'imagine, auxquels pourront être ajoutés beaucoup d'autres meilleurs par Monsieur notre maître et ancien, suivant l'expérience, jugement, lumière et suffisance qu'il s'est acquise dans notre art. Dixi.
SECOND MÉDECIN
A Dieu ne plaise, Monsieur, qu'il me tombe en pensée d'ajouter rien à ce que vous venez de dire ! Vous avez si bien discouru sur tous les signes, les symptômes et les causes de la maladie de Monsieur ; le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu'il est impossible qu'il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu'il le devînt, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait. Oui, Monsieur, vous avez dépeint fort graphiquement, graphice depinxisti, tout ce qui appartient à cette maladie : il ne se peut rien de plus doctement, sagement, ingénieusement conçu, pensé, imaginé, que ce que vous avez prononcé au sujet de ce mal, soit pour la diagnose, ou la prognose, ou la thérapie ; et il ne me reste rien ici, que de féliciter Monsieur d'être tombé entre vos mains, et de lui dire qu'il est trop heureux d'être fou, pour éprouver l'efficace et la douceur des remèdes que vous avez si judicieusement proposés. Je les approuve tous, manibus et pedibus descendo in tuam sententiam. Tout ce que j'y voudrais ajouter, c'est de faire les saignées et les purgations en nombre impair : numero deus impari gaudet ; de prendre le lait clair avant le bain ; de lui composer un fronteau où il entre du sel : le sel est symbole de la sagesse ; de faire blanchir les murailles de sa chambre, pour dissiper les ténèbres de ses esprits : album est disgregativum visus ; et de lui donner tout à l'heure un petit lavement, pour servir de prélude et d'introduction à ces judicieux remèdes, dont, s'il a à guérir, il doit recevoir du soulagement. Fasse le Ciel que ces remèdes, Monsieur, qui sont les vôtres, réussissent au malade selon notre intention !
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Messieurs, il y a une heure que je vous écoute. Est-ce que nous jouons ici une comédie ?
PREMIER MÉDECIN
Non, Monsieur, nous ne jouons point.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Qu'est-ce que tout ceci ? Et que voulez-vous dire avec votre galimatias et vos sottises ?
PREMIER MÉDECIN
Bon, dire des injures. Voilà un diagnostique qui nous manquait pour la confirmation de son mal, et ceci pourrait bien tourner en manie.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Avec qui m'a-t-on mis ici ?
Il crache deux ou trois fois.
PREMIER MÉDECIN
Autre diagnostique : la sputation fréquente.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Laissons cela, et sortons d'ici.
PREMIER MÉDECIN
Autre encore : l'inquiétude de changer de place.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Qu'est-ce donc que toute cette affaire ? et que me voulez-vous ?
PREMIER MÉDECIN
Vous guérir, selon l'ordre qui nous a été donné.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Me guérir ?
PREMIER MÉDECIN
Oui.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Parbleu ! je ne suis pas malade.
PREMIER MÉDECIN
Mauvais signe, lorsqu'un malade ne sent pas son mal.

 
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Je vous dis que je me porte bien.
PREMIER MÉDECIN
Nous savons mieux que vous comment vous vous portez, et nous sommes médecins, qui voyons clair dans votre constitution.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Si vous êtes médecins, je n'ai que faire de vous ; et je me moque de la médecine.
PREMIER MÉDECIN
Hon, hon : voici un homme plus fou que nous ne pensons.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Mon père et ma mère n'ont jamais voulu de remèdes, et ils sont morts tous deux sans l'assistance des médecins.
PREMIER MÉDECIN
Je ne m'étonne pas s'ils ont engendré un fils qui est insensé. Allons, procédons à la curation, et par la douceur exhilarante de l'harmonie, adoucissons, lénifions, et accoisons l'aigreur de ses esprits, que je vois prêts à s'enflammer.
Ils sortent.


 


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