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伪君子 第五幕 场景四
日期:2011-03-12 19:08  点击:789

Tartuffe, ou l'imposteur
Molière
伪君子
莫里哀

ACTE V.

SCÈNE IV.- Monsieur Loyal, Madame Pernelle, Orgon, Damis,
Mariane, Dorine, Elmire, Cléante.


MONSIEUR LOYAL.
Bonjour, ma chère soeur ; faites, je vous supplie,
Que je parle à Monsieur.

DORINE.
Il est en compagnie,
Et je doute qu'il puisse à présent voir quelqu'un.

MONSIEUR LOYAL.
Je ne suis pas pour être en ces lieux importun.
Mon abord n'aura rien, je crois, qui lui déplaise ;
Et je viens pour un fait dont il sera bien aise.

DORINE.
Votre nom ?

MONSIEUR LOYAL.
Dites-lui seulement que je vien
De la part de Monsieur Tartuffe, pour son bien.

DORINE.
C'est un homme qui vient, avec douce manière,
De la part de Monsieur Tartuffe, pour affaire
Dont vous serez, dit-il, bien aise.

CLÉANTE.
Il vous faut voir
Ce que c'est que cet homme, et ce qu'il peut vouloir.

ORGON.
Pour nous raccommoder il vient ici peut-être :
Quels sentiments aurai-je à lui faire paroître ?

CLÉANTE.
Votre ressentiment ne doit point éclater ;
Et s'il parle d'accord, il le faut écouter.

MONSIEUR LOYAL.
Salut, Monsieur. Le Ciel perde qui vous veut nuire,
Et vous soit favorable autant que je désire !

ORGON.
Ce doux début s'accorde avec mon jugement,
Et présage déjà quelque accommodement.

MONSIEUR LOYAL.
Toute votre maison m'a toujours été chère,
Et j'étois serviteur de Monsieur votre père.

ORGON.
Monsieur, j'ai grande honte et demande pardon
D'être sans vous connoître ou savoir votre nom.

MONSIEUR LOYAL.
Je m'appelle Loyal, natif de Normandie,
Et suis huissier à verge, en dépit de l'envie.
J'ai depuis quarante ans, grâce au Ciel, le bonheur
D'en exercer la charge avec beaucoup d'honneur ;
Et je vous viens, Monsieur, avec votre licence,
Signifier l'exploit de certaine ordonnance...

ORGON.
Quoi ? vous êtes ici...

MONSIEUR LOYAL.
Monsieur, sans passion :
Ce n'est rien seulement qu'une sommation,
Un ordre de vuider d'ici, vous et les vôtres,
Mettre vos meubles hors, et faire place à d'autres,
Sans délai ni remise, ainsi que besoin est...

ORGON.
Moi, sortir de céans ?

MONSIEUR LOYAL.
Oui, Monsieur, s'il vous plaît.
La maison à présent, comme savez de reste,
Au bon Monsieur Tartuffe appartient sans conteste.
De vos biens désormais il est maître et seigneur,
En vertu d'un contrat duquel je suis porteur :
Il est en bonne forme, et l'on n'y peut rien dire.

DAMIS.
Certes cette impudence est grande, et je l'admire.

MONSIEUR LOYAL.
Monsieur, je ne dois point avoir affaire à vous ;
C'est à Monsieur : il est et raisonnable et doux,
Et d'un homme de bien il sait trop bien l'office,
Pour se vouloir du tout opposer à justice.

ORGON.
Mais...

MONSIEUR LOYAL.
Oui, Monsieur, je sais que pour un million
Vous ne voudriez pas faire rébellion,
Et que vous souffrirez, en honnête personne,
Que j'exécute ici les ordres qu'on me donne.

DAMIS.
Vous pourriez bien ici sur votre noir jupon,
Monsieur l'huissier à verge, attirer le bâton.

MONSIEUR LOYAL.
Faites que votre fils se taise ou se retire,
Monsieur. J'aurois regret d'être obligé d'écrire,
Et de vous voir couché dans mon procès-verbal.

DORINE.
Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal !

MONSIEUR LOYAL.
Pour tous les gens de bien j'ai de grandes tendresses,
Et ne me suis voulu, Monsieur, charger des pièces
Que pour vous obliger et vous faire plaisir,
Que pour ôter par là le moyen d'en choisir
Qui, n'ayant point pour vous le zèle qui me pousse,
Auroient pu procéder d'une façon moins douce.

ORGON.
Et que peut-on de pis que d'ordonner aux gens
De sortir de chez eux ?

MONSIEUR LOYAL.
On vous donne du temps,
Et jusques à demain je ferai surséance
A l'exécution, Monsieur, de l'ordonnance.
Je viendrai seulement passer ici la nuit,
Avec dix de mes gens, sans scandale et sans bruit.
Pour la forme, il faudra, s'il vous plaît, qu'on m'apporte,
Avant que se coucher, les clefs de votre porte.
J'aurai soin de ne pas troubler votre repos,
Et de ne rien souffrir qui ne soit à propos.
Mais demain, du matin, il vous faut être habile
A vuider de céans jusqu'au moindre ustensile :
Mes gens vous aideront, et je les ai pris forts,
Pour vous faire service à tout mettre dehors.
On n'en peut pas user mieux que je fais, je pense ;
Et comme je vous traite avec grande indulgence,
Je vous conjure aussi, Monsieur, d'en user bien,
Et qu'au dû de ma charge on ne me trouble en rien.

ORGON.
Du meilleur de mon coeur je donnerois sur l'heure
Les cent plus beaux louis de ce qui me demeure,
Et pouvoir à plaisir sur ce mufle assener
Le plus grand coup de poing qui se puisse donner.

CLÉANTE.
Laissez, ne gâtons rien.

DAMIS.
A cette audace étrange,
J'ai peine à me tenir, et la main me démange.

DORINE.
Avec un si bon dos, ma foi, Monsieur Loyal,
Quelques coups de bâton ne vous siéroient pas mal.

MONSIEUR LOYAL.
On pourroit bien punir ces paroles infâmes,
Mamie, et l'on décrète aussi contre les femmes.

CLÉANTE.
Finissons tout cela, Monsieur : c'en est assez ;
Donnez tôt ce papier, de grâce, et nous laissez.

MONSIEUR LOYAL.
Jusqu'au revoir. Le Ciel vous tienne tous en joie !

ORGON.
Puisse-t-il te confondre, et celui qui t'envoie !
 


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