Un petit cabinet—nu,—blanc;—une croisée
Ouverte,—un lourd rideau tout trempé de rosée;
Devant un noir pupitre—un jeune homme,—c'est tout.
Au dehors la campagne, et le calme partout.
Il travaille. Un rayon égaré s'éparpille
Dans un coin du plancher dont la poudre scintille;
Une brise suave agite l'air tiédi
Qu'emplit de son bourdon un frelon étourdi.
L'angélus argentin tinte au fond du village,
Dans un arbre,—à côté,—les oiseaux font tapage.
Il écrit. Son front clair est à demi-penché,
Comme fait un poëte à son livre attaché.
C'est Lucien; il écrit une lettre à Nicette,
Une lettre d'excuse et d'amour, ainsi faite:
«—Il faut me pardonner, Nicette. Vois-tu bien,
Au rendez-vous d'hier comme j'allais me rendre,
Une voix, qui priait, à moi s'est fait entendre.
Sais-tu? c'était la voix de ton ange gardien.
Je n'ai pu résister. C'est parce que je t'aime
Que je suis, ce soir-là, revenu sur mes pas;
Cela te semble étrange et peu croyable même,
Nicette; mais un jour tu me pardonneras.
»Ce n'est pas tout non plus. Ton front égal encore,
Qu'ont rarement terni de soucieux instants,
S'éclaire aux blancs rayons d'une durable aurore:
Dans ta jeune pensée il est toujours printemps.
Néanmoins, tu n'es plus une enfant, ma Nicette:
La beauté de la femme en tes traits se reflète,
Et celui qui te voit, beau lys épanoui,
S'arrête, et bien longtemps te regarde, ébloui.
Or, moi, je suis jaloux de cette candeur sainte,
Je veux la préserver de toute sombre atteinte,
Écarter d'alentour tout soupçon alarmant,
Car c'est mon bien, d'ailleurs, et je veux constamment
Garder cette beauté sereine et fortunée
Que te donna le ciel et que tu m'as donnée…»
Lucien s'interrompit. Le vent frais du matin
Soulevait le rideau qui voilait sa fenêtre.
Les exploits des chasseurs s'entendaient au lointain;
Cramponné par dehors, et regardant en traître,
Se penchait dans la chambre un liseron mutin.
Il reprit:—«Maintenant, il faut plus de réserve
Dans nos mystérieux et tendres rendez-vous.
—Cela me coûtera—pour que Dieu nous conserve
Son indulgent regard qui fait les jours plus doux.
Nicette, il ne faut plus, dans les vastes prairies,
Comme nous faisions, nous égarer le soir.
L'heure est trop dangereuse aux vagues rêveries;
Il ne faut plus aller sur le banc nous asseoir.
Te souvient-il du jour où, sous l'épais ombrage,
Nous marchions, pensifs, en chemin attardés?
Nous voyant seuls tous deux, un homme du village
Nous a—se détournant—plusieurs fois regardés.
Cela te fit monter la rougeur au visage.
Il ne faut plus rougir, Nicette; et pour cela
Il faut être ma femme; or, mon bonheur est là.
»J'ai voulu te parler de la sorte, Nicette;
J'ai fini. Mon souci, je l'ai dit tout entier;
Et j'ai laissé tomber mon cœur sur ce papier.
J'ai l'âme maintenant légère et satisfaite,
C'est le ciel qui m'a fait cette douce leçon.
A mes yeux, désormais, la nature est plus belle;
J'entends passer dans l'air comme un battement d'aile,
Et l'amour chante en moi sa plus jeune chanson!»