Je trouvai tout cela dans une petite plaine située au pied d’une colline
élevée dont le front était raide et sans talus, de telle sorte que rien ne pouvait
venir sur moi du haut en bas. La façade de ce rocher présentait un endroit
creux qui s’enfonçait un peu, assez semblable à l’entrée d’une cave, mais il
n’y avait aucune caverne ni aucun chemin qui allât dans le rocher.
C’est sur l’esplanade, exactement en face de cette enfonçure, que je
résolus de planter le piquet. La plaine n’avait pas plus de cent verges de
largeur ; elle s’étendait environ une fois plus en longueur et formait devant
mon habitation une espèce de tapis vert qui se terminait en descendant
irrégulièrement de tous côtés vers la mer. Sa situation au nord-nord-ouest
de la colline me mettait à l’abri du soleil jusqu’à l’heure de son coucher : je
n’aurais donc pas à redouter ses ardeurs.
Avant de dresser une tente, je traçai devant l’enfonçure un demi-cercle
qui mesurait environ vingt verges. Dans ce demi-cercle, je plantai deux rangs
de fortes palissades que j’enfonçai jusqu’à ce qu’elles fussent fermes comme
des piliers, le gros bout dépassant la terre de cinq pieds et demi et pointu par
le haut. Il n’y avait pas plus de six pouces de distance de l’un à l’autre rang.
Je consolidai le tout en ajoutant d’autres pieux appuyés contre les premiers
et leur servant d’accoudoirs à l’intérieur du demi-cercle. Cet ouvrage était
si résistant que ni homme ni bête n’aurait pu le forcer ou passer par-dessus.
Je fis, pour entrer dans la place, non une porte, mais une petite échelle
avec laquelle je passais par-dessus mes fortifications. Une fois à l’intérieur,
j’enlevais et retirais l’échelle après moi. De cette manière, je me croyais
parfaitement défendu et bien fortifié contre tous les agresseurs possibles et
je dormais en toute sûreté pendant la nuit.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe