Dès que j’eus logé mes deux nouveaux compagnons, je songeai à rétablir
leurs forces par un bon repas. Je commandai d’abord à Vendredi d’aller
prendre dans mon troupeau apprivoisé un chevreau d’un an. Je le tuai et,
en ayant coupé un quartier de derrière, je le mis en petits morceaux, je le
fis bouillir et je vous assure que je leur accommodai un fort bon plat de
viande et de bouillon où j’avais mis de l’orge et du riz. Je portai le tout
dans la nouvelle tente et, ayant servi tout le monde, je me mis à table avec
mes nouveaux hôtes que je régalai. Je les encourageai à parler, me servant
de Vendredi comme d’interprète, non seulement auprès de son père, mais
encore auprès de l’Espagnol qui parlait fort joliment la langue des sauvages.
Après le repas, j’ordonnai à Vendredi de prendre le canot, d’aller chercher
les armes à feu que nous avions laissées sur le terrain et le lendemain je lui
dis d’enterrer les morts qui, étant exposés au soleil, se seraient rapidement
décomposés, et d’ensevelir en même temps les affreux restes du festin.
Il s’acquitta si bien de cette pénible tâche que je n’aurais même pas pu
reconnaître le lieu si je ne l’avais su tout proche de la pointe du bois.
Peu à peu, je voulus me renseigner sur nos ennemis par les questions que
je posai à mes nouveaux sujets. Je demandai au père de Vendredi ce qu’il
pensait des sauvages qui nous avaient échappé et si nous devions craindre
leur retour.
Il me dit que les fugitifs n’avaient certainement pas échappé à la tempête
et que, si par une chance inespérée ils avaient été assez heureux pour
regagner leur rivage, la frayeur les y retiendrait. Ils avaient été si surpris et
si étourdis par le bruit et le feu de nos armes qu’ils ne manqueraient pas de
raconter à leur peuple que leurs compagnons avaient été tués par la foudre
et par le tonnerre. Ce qui le confirmait dans cette opinion, c’est qu’il avait
entendu dire aux fuyards qu’ils ne pouvaient pas comprendre comment les
hommes pouvaient souffler foudre, parler tonnerre et tuer à une si grande
distance sans lever seulement la main.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe
leurs forces par un bon repas. Je commandai d’abord à Vendredi d’aller
prendre dans mon troupeau apprivoisé un chevreau d’un an. Je le tuai et,
en ayant coupé un quartier de derrière, je le mis en petits morceaux, je le
fis bouillir et je vous assure que je leur accommodai un fort bon plat de
viande et de bouillon où j’avais mis de l’orge et du riz. Je portai le tout
dans la nouvelle tente et, ayant servi tout le monde, je me mis à table avec
mes nouveaux hôtes que je régalai. Je les encourageai à parler, me servant
de Vendredi comme d’interprète, non seulement auprès de son père, mais
encore auprès de l’Espagnol qui parlait fort joliment la langue des sauvages.
Après le repas, j’ordonnai à Vendredi de prendre le canot, d’aller chercher
les armes à feu que nous avions laissées sur le terrain et le lendemain je lui
dis d’enterrer les morts qui, étant exposés au soleil, se seraient rapidement
décomposés, et d’ensevelir en même temps les affreux restes du festin.
Il s’acquitta si bien de cette pénible tâche que je n’aurais même pas pu
reconnaître le lieu si je ne l’avais su tout proche de la pointe du bois.
Peu à peu, je voulus me renseigner sur nos ennemis par les questions que
je posai à mes nouveaux sujets. Je demandai au père de Vendredi ce qu’il
pensait des sauvages qui nous avaient échappé et si nous devions craindre
leur retour.
Il me dit que les fugitifs n’avaient certainement pas échappé à la tempête
et que, si par une chance inespérée ils avaient été assez heureux pour
regagner leur rivage, la frayeur les y retiendrait. Ils avaient été si surpris et
si étourdis par le bruit et le feu de nos armes qu’ils ne manqueraient pas de
raconter à leur peuple que leurs compagnons avaient été tués par la foudre
et par le tonnerre. Ce qui le confirmait dans cette opinion, c’est qu’il avait
entendu dire aux fuyards qu’ils ne pouvaient pas comprendre comment les
hommes pouvaient souffler foudre, parler tonnerre et tuer à une si grande
distance sans lever seulement la main.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe