【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée III (16)
– Oui, mon pays. Parlons peu, parlons bien. Veux-tu gagner un duro ? Il
va venir des gens avec des paquets ; laisse-les faire.
– Non, répondis-je. Je dois les empêcher de passer ; c’est la consigne.
– La consigne ? la consigne ! Tu n’y pensais pas rue du Candilejo.
– Ah répondis-je, tout bouleversé par ce seul souvenir, cela valait bien
la peine d’oublier la consigne ; mais je ne veux pas de l’argent des
contrebandiers.
– Voyons ; si tu ne veux pas d’argent, veux-tu que nous allions encore
dîner chez la vieille Dorothée ?
– Non ! dis-je à moitié étranglé par l’effort que je faisais. Je ne puis pas.
– Fort bien. Si tu es si difficile, je sais à qui m’adresser. J’offrirai à ton
officier d’aller chez Dorothée. Il a l’air d’un bon enfant, et il fera mettre en
sentinelle un gaillard qui ne verra que ce qu’il faudra voir. Adieu, canari. Je
rirai bien le jour où la consigne sera de te pendre.
J’eus la faiblesse de la rappeler, et je promis de laisser passer toute la
Bohême, s’il le fallait, pourvu que j’obtinsse la seule récompense que je
désirais. Elle me jura aussitôt de me tenir parole dès le lendemain, et courut
prévenir ses amis qui étaient à deux pas. Il y en avait cinq, dont était Pastia,
tous bien chargés de marchandises anglaises. Carmen faisait le guet. Elle
devait avertir avec ses castagnettes dès qu’elle apercevrait la ronde, mais
elle n’en eut pas besoin. Les fraudeurs firent leur affaire en un instant.
Le lendemain, j’allai rue du Candilejo. Carmen se fit attendre, et vint
d’assez mauvaise humeur. – Je n’aime pas les gens qui se font prier, dit-
elle. Tu m’as rendu un plus grand service la première fois sans savoir si tu
y gagnerais quelque chose. Hier, tu as marchandé avec moi. Je ne sais pas
pourquoi je suis venue, car je ne t’aime plus. Tiens, va-t’en, voilà un duro
pour ta peine. – Peu s’en fallut que je ne lui jetasse la pièce à la tête, et
je fus obligé de faire un effort violent sur moi-même pour ne pas la battre.
– Oui, mon pays. Parlons peu, parlons bien. Veux-tu gagner un duro ? Il
va venir des gens avec des paquets ; laisse-les faire.
– Non, répondis-je. Je dois les empêcher de passer ; c’est la consigne.
– La consigne ? la consigne ! Tu n’y pensais pas rue du Candilejo.
– Ah répondis-je, tout bouleversé par ce seul souvenir, cela valait bien
la peine d’oublier la consigne ; mais je ne veux pas de l’argent des
contrebandiers.
– Voyons ; si tu ne veux pas d’argent, veux-tu que nous allions encore
dîner chez la vieille Dorothée ?
– Non ! dis-je à moitié étranglé par l’effort que je faisais. Je ne puis pas.
– Fort bien. Si tu es si difficile, je sais à qui m’adresser. J’offrirai à ton
officier d’aller chez Dorothée. Il a l’air d’un bon enfant, et il fera mettre en
sentinelle un gaillard qui ne verra que ce qu’il faudra voir. Adieu, canari. Je
rirai bien le jour où la consigne sera de te pendre.
J’eus la faiblesse de la rappeler, et je promis de laisser passer toute la
Bohême, s’il le fallait, pourvu que j’obtinsse la seule récompense que je
désirais. Elle me jura aussitôt de me tenir parole dès le lendemain, et courut
prévenir ses amis qui étaient à deux pas. Il y en avait cinq, dont était Pastia,
tous bien chargés de marchandises anglaises. Carmen faisait le guet. Elle
devait avertir avec ses castagnettes dès qu’elle apercevrait la ronde, mais
elle n’en eut pas besoin. Les fraudeurs firent leur affaire en un instant.
Le lendemain, j’allai rue du Candilejo. Carmen se fit attendre, et vint
d’assez mauvaise humeur. – Je n’aime pas les gens qui se font prier, dit-
elle. Tu m’as rendu un plus grand service la première fois sans savoir si tu
y gagnerais quelque chose. Hier, tu as marchandé avec moi. Je ne sais pas
pourquoi je suis venue, car je ne t’aime plus. Tiens, va-t’en, voilà un duro
pour ta peine. – Peu s’en fallut que je ne lui jetasse la pièce à la tête, et
je fus obligé de faire un effort violent sur moi-même pour ne pas la battre.