【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée IV (2)
Leurs yeux sensiblement obliques, bien fendus, très noirs, sont ombragés
par des cils longs et épais. On ne peut comparer leur regard qu’à celui
d’une bête fauve. L’audace et la timidité s’y peignent tout à la fois, et
sous ce rapport leurs yeux révèlent assez bien le caractère de la nation,
rusée, hardie, mais craignant naturellement les coups comme Panurge. Pour
la plupart les hommes sont bien découplés, sveltes, agiles ; je ne crois
pas en avoir jamais vu un seul chargé d’embonpoint. En Allemagne, les
Bohémiennes sont souvent très jolies ; la beauté est fort rare parmi les
Gitanas d’Espagne. Très jeunes elles peuvent passer pour des laiderons
agréables ; mais une fois qu’elles sont mères, elles deviennent repoussantes.
La saleté des deux sexes est incroyable, et qui n’a pas vu les cheveux
d’une matrone Bohémienne s’en fera difficilement une idée, même en se
représentant les crins les plus rudes, les plus gras, les plus poudreux. Dans
quelques grandes villes d’Andalousie, certaines jeunes filles, un peu plus
agréables que les autres, prennent plus de soin de leur personne. Celles-là
vont danser pour de l’argent, des danses qui ressemblent fort à celles que l’on
interdit dans nos bals publics du carnaval. M. Borrow, missionnaire anglais,
auteur de deux ouvrages fort intéressants sur les Bohémiens d’Espagne, qu’il
avait entrepris de convertir, aux frais de la société Biblique, assure qu’il
est sans exemple qu’une Gitana ait jamais eu quelque faiblesse pour un
homme étranger à sa race. Il me semble qu’il y a beaucoup d’exagération
dans les éloges qu’il accorde à leur chasteté. D’abord, le plus grand nombre
est dans le cas de la laide d’Ovide : Casta quam nemo rogavit. Quant aux
jolies, elles sont comme toutes les Espagnoles, difficiles dans le choix de
leurs amants. Il faut leur plaire, il faut les mériter. M. Borrow cite comme
preuve de leur vertu un trait qui fait honneur à la sienne, surtout à sa naïveté.
Leurs yeux sensiblement obliques, bien fendus, très noirs, sont ombragés
par des cils longs et épais. On ne peut comparer leur regard qu’à celui
d’une bête fauve. L’audace et la timidité s’y peignent tout à la fois, et
sous ce rapport leurs yeux révèlent assez bien le caractère de la nation,
rusée, hardie, mais craignant naturellement les coups comme Panurge. Pour
la plupart les hommes sont bien découplés, sveltes, agiles ; je ne crois
pas en avoir jamais vu un seul chargé d’embonpoint. En Allemagne, les
Bohémiennes sont souvent très jolies ; la beauté est fort rare parmi les
Gitanas d’Espagne. Très jeunes elles peuvent passer pour des laiderons
agréables ; mais une fois qu’elles sont mères, elles deviennent repoussantes.
La saleté des deux sexes est incroyable, et qui n’a pas vu les cheveux
d’une matrone Bohémienne s’en fera difficilement une idée, même en se
représentant les crins les plus rudes, les plus gras, les plus poudreux. Dans
quelques grandes villes d’Andalousie, certaines jeunes filles, un peu plus
agréables que les autres, prennent plus de soin de leur personne. Celles-là
vont danser pour de l’argent, des danses qui ressemblent fort à celles que l’on
interdit dans nos bals publics du carnaval. M. Borrow, missionnaire anglais,
auteur de deux ouvrages fort intéressants sur les Bohémiens d’Espagne, qu’il
avait entrepris de convertir, aux frais de la société Biblique, assure qu’il
est sans exemple qu’une Gitana ait jamais eu quelque faiblesse pour un
homme étranger à sa race. Il me semble qu’il y a beaucoup d’exagération
dans les éloges qu’il accorde à leur chasteté. D’abord, le plus grand nombre
est dans le cas de la laide d’Ovide : Casta quam nemo rogavit. Quant aux
jolies, elles sont comme toutes les Espagnoles, difficiles dans le choix de
leurs amants. Il faut leur plaire, il faut les mériter. M. Borrow cite comme
preuve de leur vertu un trait qui fait honneur à la sienne, surtout à sa naïveté.