【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (2)
– Eh ! la mère, avançons ! cria un des hommes, qui s’était mis à genoux
sur ses navets... C’est quelque cochon d’ivrogne.
Elle s’était penchée, elle avait aperçu, à droite, presque sous les pieds du
cheval, une masse noire qui barrait la route.
– On n’écrase pas le monde, dit-elle, en sautant à terre.
C’était un homme vautré tout de son long, les bras étendus, tombé la face
dans la poussière. Il paraissait d’une longueur extraordinaire, maigre comme
une branche sèche ; le miracle était que Balthazar ne l’eût pas cassé en deux
d’un coup de sabot. Madame François le crut mort ; elle s’accroupit devant
lui, lui prit une main, et vit qu’elle était chaude.
– Eh ! l’homme ! dit-elle doucement.
Mais les charretiers s’impatientaient. Celui qui était agenouillé dans ses
légumes, reprit de sa voix enrouée :
– Fouettez donc, la mère !... Il en a plein son sac, le sacré porc ! Poussez-
moi ça dans le ruisseau !
Cependant, l’homme avait ouvert les yeux. Il regardait madame François
d’un air effaré, sans bouger. Elle pensa qu’il devait être ivre, en effet.
– Il ne faut pas rester là, vous allez vous faire écraser, lui dit-elle... Où
alliez-vous ?
– Je ne sais pas..., répondit-il d’une voix très basse.
Puis, avec effort, et le regard inquiet :
– J’allais à Paris, je suis tombé, je ne sais pas...
Elle le voyait mieux, et il était lamentable, avec son pantalon noir,
sa redingote noire, tout effiloqués, montrant les sécheresses des os. Sa
casquette, de gros drap noir, rabattue peureusement sur les sourcils,
découvrait deux grands yeux bruns, d’une singulière douceur, dans un visage
dur et tourmenté. Madame François pensa qu’il était vraiment trop maigre
pour avoir bu.
– Eh ! la mère, avançons ! cria un des hommes, qui s’était mis à genoux
sur ses navets... C’est quelque cochon d’ivrogne.
Elle s’était penchée, elle avait aperçu, à droite, presque sous les pieds du
cheval, une masse noire qui barrait la route.
– On n’écrase pas le monde, dit-elle, en sautant à terre.
C’était un homme vautré tout de son long, les bras étendus, tombé la face
dans la poussière. Il paraissait d’une longueur extraordinaire, maigre comme
une branche sèche ; le miracle était que Balthazar ne l’eût pas cassé en deux
d’un coup de sabot. Madame François le crut mort ; elle s’accroupit devant
lui, lui prit une main, et vit qu’elle était chaude.
– Eh ! l’homme ! dit-elle doucement.
Mais les charretiers s’impatientaient. Celui qui était agenouillé dans ses
légumes, reprit de sa voix enrouée :
– Fouettez donc, la mère !... Il en a plein son sac, le sacré porc ! Poussez-
moi ça dans le ruisseau !
Cependant, l’homme avait ouvert les yeux. Il regardait madame François
d’un air effaré, sans bouger. Elle pensa qu’il devait être ivre, en effet.
– Il ne faut pas rester là, vous allez vous faire écraser, lui dit-elle... Où
alliez-vous ?
– Je ne sais pas..., répondit-il d’une voix très basse.
Puis, avec effort, et le regard inquiet :
– J’allais à Paris, je suis tombé, je ne sais pas...
Elle le voyait mieux, et il était lamentable, avec son pantalon noir,
sa redingote noire, tout effiloqués, montrant les sécheresses des os. Sa
casquette, de gros drap noir, rabattue peureusement sur les sourcils,
découvrait deux grands yeux bruns, d’une singulière douceur, dans un visage
dur et tourmenté. Madame François pensa qu’il était vraiment trop maigre
pour avoir bu.