【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (7)
Il l’aida. Un gros homme, avec une canne et un chapeau de feutre, qui
portait une plaque au revers gauche de son paletot, se fâchait, tapait du bout
de sa canne sur le trottoir.
– Allons donc, allons donc, plus vite que ça ! Faites avancer la voiture...
Combien avez-vous de mètres ? Quatre, n’est-ce pas ?
Il délivra un bulletin à madame François, qui sortit des gros sous d’un
petit sac de toile. Et il alla se fâcher et taper de sa canne un peu plus loin. La
maraîchère avait pris Balthazar par la bride, le poussant, acculant la voiture,
les roues contre le trottoir. Puis, la planche de derrière enlevée, après avoir
marqué ses quatre mètres sur le trottoir avec des bouchons de paille, elle
pria Florent de lui passer les légumes, bottes par bottes. Elle les rangea
méthodiquement sur le carreau, parant la marchandise, disposant les fanes
de façon à encadrer les tas d’un filet de verdure, dressant avec une singulière
promptitude tout un étalage, qui ressemblait, dans l’ombre, à une tapisserie
aux couleurs symétriques. Quand Florent lui eut donné une énorme brassée
de persil, qu’il trouva au fond, elle lui demanda encore un service.
– Vous seriez bien gentil de garder ma marchandise, pendant que je vais
remiser la voiture... C’est à deux pas, rue Montorgueil, au Compas d’or.
Il lui assura qu’elle pouvait être tranquille. Le mouvement ne lui valait
rien ; il sentait sa faim se réveiller, depuis qu’il se remuait. Il s’assit
contre un tas de choux, à côté de la marchandise de madame François,
en se disant qu’il était bien là, qu’il ne bougerait plus, qu’il attendrait.
Sa tête lui paraissait toute vide, et il ne s’expliquait pas nettement où il
se trouvait. Dès les premiers jours de septembre, les matinées sont toutes
noires. Des lanternes, autour de lui, filaient doucement, s’arrêtaient dans
les ténèbres. Il était au bord d’une large rue, qu’il ne reconnaissait pas.
Il l’aida. Un gros homme, avec une canne et un chapeau de feutre, qui
portait une plaque au revers gauche de son paletot, se fâchait, tapait du bout
de sa canne sur le trottoir.
– Allons donc, allons donc, plus vite que ça ! Faites avancer la voiture...
Combien avez-vous de mètres ? Quatre, n’est-ce pas ?
Il délivra un bulletin à madame François, qui sortit des gros sous d’un
petit sac de toile. Et il alla se fâcher et taper de sa canne un peu plus loin. La
maraîchère avait pris Balthazar par la bride, le poussant, acculant la voiture,
les roues contre le trottoir. Puis, la planche de derrière enlevée, après avoir
marqué ses quatre mètres sur le trottoir avec des bouchons de paille, elle
pria Florent de lui passer les légumes, bottes par bottes. Elle les rangea
méthodiquement sur le carreau, parant la marchandise, disposant les fanes
de façon à encadrer les tas d’un filet de verdure, dressant avec une singulière
promptitude tout un étalage, qui ressemblait, dans l’ombre, à une tapisserie
aux couleurs symétriques. Quand Florent lui eut donné une énorme brassée
de persil, qu’il trouva au fond, elle lui demanda encore un service.
– Vous seriez bien gentil de garder ma marchandise, pendant que je vais
remiser la voiture... C’est à deux pas, rue Montorgueil, au Compas d’or.
Il lui assura qu’elle pouvait être tranquille. Le mouvement ne lui valait
rien ; il sentait sa faim se réveiller, depuis qu’il se remuait. Il s’assit
contre un tas de choux, à côté de la marchandise de madame François,
en se disant qu’il était bien là, qu’il ne bougerait plus, qu’il attendrait.
Sa tête lui paraissait toute vide, et il ne s’expliquait pas nettement où il
se trouvait. Dès les premiers jours de septembre, les matinées sont toutes
noires. Des lanternes, autour de lui, filaient doucement, s’arrêtaient dans
les ténèbres. Il était au bord d’une large rue, qu’il ne reconnaissait pas.