【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (13)
Cette première matinée le laissa très hésitant. Il regrettait d’avoir cédé
à Lisa. Dès le lendemain, échappé à la somnolence grasse de la cuisine, il
s’était accusé de lâcheté avec une violence qui avait presque mis des larmes
dans ses yeux. Mais il n’osa revenir sur sa parole, Lisa l’effrayait un peu ;
il voyait le pli de ses lèvres, le reproche muet de son beau visage. Il la
traitait en femme trop sérieuse et trop satisfaite pour être contrariée. Gavard,
heureusement, lui inspira une idée qui le consola. Il le prit à part, le soir
même du jour où monsieur Verlaque l’avait promené au milieu des criées, lui
expliquant, avec beaucoup de réticences, que « ce pauvre diable » n’était pas
heureux. Puis, après d’autres considérations sur ce gredin de gouvernement
qui tuait ses employés à la peine, sans leur assurer seulement de quoi mourir,
il se décida à faire entendre qu’il serait charitable d’abandonner une partie
des appointements à l’ancien inspecteur. Florent accueillit cette idée avec
joie. C’était trop juste, il se considérait comme le remplaçant intérimaire de
monsieur Verlaque ; d’ailleurs, lui, n’avait besoin de rien, puisqu’il couchait
et qu’il mangeait chez son frère. Gavard ajouta que, sur les cent cinquante
francs mensuels, un abandon de cinquante francs lui paraissait très joli ; et,
en baissant la voix, il fit remarquer que ça ne durerait pas longtemps, car
le malheureux était vraiment poitrinaire jusqu’aux os. Il fut convenu que
Florent verrait la femme, s’entendrait avec elle, pour ne pas blesser le mari.
Cette bonne action le soulageait, il acceptait maintenant l’emploi avec une
pensée de dévouement, il restait dans le rôle de toute sa vie. Seulement, il fit
jurer au marchand de volailles de ne parler à personne de cet arrangement.
Comme celui-ci avait aussi une vague terreur de Lisa, il garda le secret,
chose très méritoire.
Cette première matinée le laissa très hésitant. Il regrettait d’avoir cédé
à Lisa. Dès le lendemain, échappé à la somnolence grasse de la cuisine, il
s’était accusé de lâcheté avec une violence qui avait presque mis des larmes
dans ses yeux. Mais il n’osa revenir sur sa parole, Lisa l’effrayait un peu ;
il voyait le pli de ses lèvres, le reproche muet de son beau visage. Il la
traitait en femme trop sérieuse et trop satisfaite pour être contrariée. Gavard,
heureusement, lui inspira une idée qui le consola. Il le prit à part, le soir
même du jour où monsieur Verlaque l’avait promené au milieu des criées, lui
expliquant, avec beaucoup de réticences, que « ce pauvre diable » n’était pas
heureux. Puis, après d’autres considérations sur ce gredin de gouvernement
qui tuait ses employés à la peine, sans leur assurer seulement de quoi mourir,
il se décida à faire entendre qu’il serait charitable d’abandonner une partie
des appointements à l’ancien inspecteur. Florent accueillit cette idée avec
joie. C’était trop juste, il se considérait comme le remplaçant intérimaire de
monsieur Verlaque ; d’ailleurs, lui, n’avait besoin de rien, puisqu’il couchait
et qu’il mangeait chez son frère. Gavard ajouta que, sur les cent cinquante
francs mensuels, un abandon de cinquante francs lui paraissait très joli ; et,
en baissant la voix, il fit remarquer que ça ne durerait pas longtemps, car
le malheureux était vraiment poitrinaire jusqu’aux os. Il fut convenu que
Florent verrait la femme, s’entendrait avec elle, pour ne pas blesser le mari.
Cette bonne action le soulageait, il acceptait maintenant l’emploi avec une
pensée de dévouement, il restait dans le rôle de toute sa vie. Seulement, il fit
jurer au marchand de volailles de ne parler à personne de cet arrangement.
Comme celui-ci avait aussi une vague terreur de Lisa, il garda le secret,
chose très méritoire.