【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (96)
Elle était superbe et triomphante. Elle se remit à marcher, le buste haut,
continuant :
– Pour faire plaisir à ceux qui n’ont rien, il faudrait alors ne pas gagner
sa vie… Certainement que je profite du bon moment et que je soutiens le
gouvernement qui fait aller le commerce. S’il commet de vilaines choses,
je ne veux pas le savoir. Moi, je sais que je n’en commets pas, je ne crains
point qu’on me montre au doigt dans le quartier. Ce serait trop bête de se
battre contre des moulins à vent… Tu te souviens, aux élections, Gavard
disait que le candidat de l’empereur était un homme qui avait fait faillite, qui
se trouvait compromis dans de sales histoires. Ça pouvait être vrai, je ne dis
pas non. Tu n’en as pas moins très sagement agi en votant pour lui, parce que
la question n’était pas là, qu’on ne te demandait pas de prêter de l’argent,
ni de faire des affaires avec ce monsieur, mais de montrer au gouvernement
que tu étais satisfait de voir prospérer la charcuterie.
Cependant Quenu se rappelait une phrase de Charvet, cette fois, qui
déclarait que « ces bourgeois empâtés, ces boutiquiers engraissés, prêtant
leur soutien à un gouvernement d’indigestion générale, devaient être jetés
les premiers au cloaque. » » C’était grâce à eux, grâce à leur égoïsme du
ventre, que le despotisme s’imposait et rongeait une nation. Il tâchait d’aller
jusqu’au bout de la phrase, quand Lisa lui coupa la parole, emportée par
l’indignation.
Elle était superbe et triomphante. Elle se remit à marcher, le buste haut,
continuant :
– Pour faire plaisir à ceux qui n’ont rien, il faudrait alors ne pas gagner
sa vie… Certainement que je profite du bon moment et que je soutiens le
gouvernement qui fait aller le commerce. S’il commet de vilaines choses,
je ne veux pas le savoir. Moi, je sais que je n’en commets pas, je ne crains
point qu’on me montre au doigt dans le quartier. Ce serait trop bête de se
battre contre des moulins à vent… Tu te souviens, aux élections, Gavard
disait que le candidat de l’empereur était un homme qui avait fait faillite, qui
se trouvait compromis dans de sales histoires. Ça pouvait être vrai, je ne dis
pas non. Tu n’en as pas moins très sagement agi en votant pour lui, parce que
la question n’était pas là, qu’on ne te demandait pas de prêter de l’argent,
ni de faire des affaires avec ce monsieur, mais de montrer au gouvernement
que tu étais satisfait de voir prospérer la charcuterie.
Cependant Quenu se rappelait une phrase de Charvet, cette fois, qui
déclarait que « ces bourgeois empâtés, ces boutiquiers engraissés, prêtant
leur soutien à un gouvernement d’indigestion générale, devaient être jetés
les premiers au cloaque. » » C’était grâce à eux, grâce à leur égoïsme du
ventre, que le despotisme s’imposait et rongeait une nation. Il tâchait d’aller
jusqu’au bout de la phrase, quand Lisa lui coupa la parole, emportée par
l’indignation.