La plus honnête femme est celle dont on parle le moins.
«Les anciens, dit Jean-Jacques Rousseau, dans sa lettre à d'Alembert, avaient, en général, un très-grand respect pour les femmes; mais ils marquaient ce respect en s'abstenant de les exposer au jugement du public, et croyaient honorer leur modestie en se taisant sur leurs autres vertus. Ils avaient pour maxime que le pays où les mœurs étaient les plus pures était celui où l'on parlait le moins des femmes, et que la femme la plus honnête était celle dont on parlait le moins.» C'est sur ce principe qu'un Spartiate, entendant un étranger faire de magnifiques éloges d'une dame de sa connaissance, l'interrompit en colère: «Ne cesseras-tu point, lui dit-il, de médire d'une femme de bien?» De là venait aussi que, dans leur comédie, les rôles d'amoureuses et de filles à marier ne représentaient jamais que des esclaves ou des filles publiques.»
Quoique nous n'ayons point pour les femmes le même respect que les anciens, nous n'en avons pas moins adopté la maxime proverbiale dont ils se servaient, comme d'une espèce de criterium qui leur faisait reconnaître le degré d'estime qu'ils devaient à chacune d'elles. Il y a même dans notre langue une expression vulgaire qui vient à l'appui de cette maxime: c'est l'expression faire parler de soi. Quand elle s'applique à une femme, elle emporte toujours une idée de blâme, tandis qu'elle se prend généralement dans un sens d'éloge quand elle se rapporte à un homme. Cette femme fait parler d'elle est une phrase qui signifie que cette femme donne lieu à de mauvais propos sur son compte par une conduite répréhensible. Cet homme fait parler de lui se dit ordinairement pour exprimer que cet homme se distingue par ses talents ou par ses belles actions.
La femme la mieux louée est celle dont on ne parle pas. (Prov. chinois.)