— Il y en a beaucoup qui ne le peuvent pas, et beaucoup d'autres qui aimeraient mieux mourir.
— S'ils aiment mieux mourir, reprit Scrooge, ils feraient très bien de suivre cette idée et de diminuer l'excédent de la population. Au reste, excusez-moi; je ne connais pas tout ça.
— Mais il vous serait facile de le connaître, observa l'étranger.
— Ce n'est pas ma besogne, répliqua Scrooge. Un homme a bien assez de faire ses propres affaires, sans se mêler de celles des autres. Les miennes prennent tout mon temps. Bonsoir, messieurs.»
Voyant clairement qu'il serait inutile de poursuivre leur requête, les deux étrangers se retirèrent. Scrooge se remit au travail, de plus en plus content de lui, et d'une humeur plus enjouée qu'à son ordinaire.
Cependant le brouillard et l'obscurité s'épaississaient tellement, que l'on voyait des gens courir çà et là par les rues avec des torches allumées, offrant leurs services aux cochers pour marcher devant les chevaux et les guider dans leur chemin. L'antique tour d'une église, dont la vieille cloche renfrognée avait toujours l'air de regarder Scrooge curieusement à son bureau par une fenêtre gothique pratiquée dans le mur, devint invisible et sonna les heures, les demies et les quarts dans les nuages avec des vibrations tremblantes et prolongées, comme si ses dents eussent claqué là-haut dans sa tête gelée. Le froid devint intense dans la rue même. Au coin de la cour, quelques ouvriers, occupés à réparer les conduits du gaz, avaient allumé un énorme brasier, autour duquel se pressait une foule d'hommes et d'enfants déguenillés, se chauffant les mains et clignant les yeux devant la flamme avec un air de ravissement. Le robinet de la fontaine était délaissé et les eaux refoulées qui s'étaient congelées tout autour de lui formaient comme un cadre de glace misanthropique, qui faisait horreur à voir.