Le Petit Chose
小东西
Alphonse Daudet
阿尔丰斯·都德
DEUXIEME PARTIE 下篇
Chapitre XIII L'ENLEVEMENT 第十三章 劫持
C'ÉTAIT un soir, vers neuf heures, au théâtre Montparnasse. Le petit Chose, qui jouait dans la première pièce, venait de finir et remontait dans sa loge. En montant, il se croisa avec Irma Borel qui allait entrer en scène. Elle était rayonnante, tout en velours et en guipure, l'éventail au poing comme Célimène.
“ Viens dans la salle, lui dit-elle en passant, je suis en train... je serai très belle. ” Il hâta le pas vers sa loge et se déshabilla bien vite. Cette loge, qu'il partageait avec deux camarades, était un cabinet sans fenêtre, bas de plafond, éclairé au schiste. Deux ou trois chaises de paille formaient l'ameublement. Le long du mur pendaient des fragments de glace, des perruques défrisées, des guenilles à paillettes, velours fanés, dorures éteintes ; à terre, dans un coin, des pots de rouge sans couvercle, des houppes à poudre de riz toutes déplumées.
Le petit Chose était là depuis un moment, en train de se désaffubler quand il entendit un machiniste qui l'appelait d'en bas : “ Monsieur Daniel ! monsieur Daniel!” Il sortit de sa loge et, penché sur le bois humide de la rampe, demanda : “ Qu'y a-t-il ? ” Puis, voyant qu'on ne répondait pas, il descendit, tel qu'il était, à peine vêtu, barbouillé de blanc et de rouge, avec sa grande perruque jaune qui lui tombait sur les yeux.
Au bas de l'escalier, il se heurta contre quelqu'un.
“ Jacques!” cria-t-il en reculant.
C'était Jacques... Ils se regardèrent un moment, sans parler. A la fin, Jacques joignit les mains et murmura d'une voix douce, pleine de larmes: “ Oh! Daniel ! ” Ce fut assez. Le petit Chose, remué jusqu'au fond des entrailles, regarda autour de lui comme un enfant craintif et dit tout bas, si bas que son frère put à peine l'entendre : “ Emmène-moi d'ici, Jacques. ” Jacques tressaillit ; et le prenant par la main, il l'entraîna dehors. Un fiacre attendait à la porte ; ils y montèrent. “ Rue des Dames, aux Batignolles! ” cria la mère Jacques. “ C'est mon quartier! ” répondit le cocher d'une voix joyeuse, et la voiture s'ébranla,
Jacques était à Paris depuis deux jours. Il arrivait de Palerme, où une lettre de Pierrotte - qui lui courait après depuis trois mois - l'avait enfin découvert. Cette lettre, courte et sans phrases, lui apprenait la disparition de Daniel.
En la lisant, Jacques devina tout. Il se dit : “ L'enfant fait des bêtises... Il faut que j'y aille. ” Et sur le champ il demanda un congé au marquis.
“ Un congé! fit le bonhomme en bondissant... Etes-vous fou ?... Et mes mémoires ?...
- Rien que huit jours, monsieur le marquis, le temps d'aller et de revenir ; il y va de la vie de mon frère. - Je me moque pas mal de votre frère... Est-ce que vous n'étiez pas prévenu, en entrant ? Avez-vous oublié nos conventions ?
- Non, monsieur le marquis, mais...
- Pas de mais qui tienne. Il en sera de vous comme des autres. Si vous quittez votre place pour huit jours, vous n'y rentrerez jamais. Réfléchissez là-dessus, je vous prie... et tenez! pendant que vous faites vos réflexions, mettez-vous là. Je vais dicter.
- C'est tout réfléchi, monsieur le marquis, Je m'en vais. - Allez au diable. ” Sur quoi l'intraitable vieillard prit son chapeau et se rendit au consulat français pour s'informer d'un nouveau secrétaire.
Jacques partit le soir même.
En arrivant à Paris, il courut rue Bonaparte. “ Mon frère est là-haut ? ” cria-t-il au portier qui fumait sa pipe dans la cour, à califourchon sur la fontaine. Le portier se mit à rire: “ Il y a beau temps qu'il court ”, dit-il sournoisement.
Il voulait faire le discret, mais une pièce de cent sous lui desserra les dents. Alors il raconta que depuis longtemps le petit du cinquième et la dame du premier avaient disparu, qu'ils se cachaient on ne sait où, dans quelque coin de Paris mais ensemble! coup sûr, car la Négresse Coucou-Blanc venait tous les mois voir s'il n'y avait rien pour eux. Il ajouta que
M. Daniel, en partant, avait oublié de lui donner congé, et qu'on lui devait les loyers des quatre derniers mois sans parler d'autres menues dettes.
“ C'est bien, dit Jacques, tout sera payé. Et sans perdre une minute, sans prendre seulement le temps de secouer la poussière du voyage, il se mit à la recherche de son enfant.
Il alla d'abord chez l'imprimeur, pensant avec raison que le dépôt général de La Comédie pastorale étant là, Daniel devait y venir souvent.
“ J'allais vous écrire, lui dit l'imprimeur en le voyant entrer. Vous savez que le premier billet échoit dans quatre jours. ” .
Jacques répondit sans s'émouvoir! “ J'y ai songé, Dès demain j'irai faire ma tournée chez les libraires !.
Ils ont de l'argent à me remettre. La vente a très bien marché. ” L'imprimeur ouvrit démesurément ses gros yeux bleus d'Alsace.
“ Comment ?... La vente a bien marché! Qui vous a dit cela ? ” Jacques pâlit, pressentant une catastrophe.
“ Regardez donc dans ce coin, continua l'Alsacien, tous ces volumes empilés. C'est La Comédie pastorale. Depuis cinq mois qu'elle est dans le commerce, on n'en a vendu qu'un exemplaire. A la fin, les libraires se sont lassés et m'ont renvoyé les volumes qu'ils avaient en dépôt. A l'heure qu'il est, tout cela n'est plus bon qu'à vendre au poids du papier. C'est dommage, c'était bien imprimé. ” Chaque parole de cet homme tombait sur la tête de Jacques comme un coup de canne plombée, mais ce qui l'acheva, ce fut d'apprendre que Daniel, en son nom, avait emprunté de l'argent à l'imprimeur.
“ Pas plus tard qu'hier, dit l'impitoyable Alsacien, il m'a envoyé une horrible Négresse pour me demander deux louis ; mais j'ai refusé net. D'abord parce que ce mystérieux commissionnaire à tête de ramoneur ne m'inspirait pas confiance; et puis, vous comprenez; monsieur Eyssette, moi, je ne suis pas riche, et cela fait déjà plus de quatre cents francs que j'avance à votre frère.
- Je le sais, répondit fièrement la mère Jacques, mais soyez sans inquiétude, cet argent, vous sera bientôt rendu. ” Puis il sortit bien vite, de peur de laisser voir son émotion. Dans la rue, il fut obligé de s'asseoir sur une borne. Les jambes lui manquaient. Son enfant en fuite, sa place perdue, l'argent de l'imprimeur à rendre, la chambre, le portier, l'échéance du surlendemain, tout cela bourdonnait, tourbillonnait dans sa cervelle... Tout à coup il se leva: “ D'abord les dettes, se dit-il, c'est le plus pressé. ” Et malgré la lâche conduite de son frère envers les Pierrotte, il alla sans hésiter s'adresser à eux.
En entrant dans le magasin de l'ancienne maison Lalouette, Jacques aperçut derrière le comptoir une grosse face jaunie et bouffie que d'abord il ne reconnaissait pas ; mais au bruit que fit la porte, la grosse face se souleva, et voyant qui venait d'entrer, poussa un retentissant “C'est bien le cas de le dire ” auquel on ne pouvait pas se tromper... Pauvre Pierrotte! Le chagrin de sa fille en avait fait un autre homme. Le Pierrotte d'autrefois, si jovial et si rubicond, n'existait plus: Les larmes que sa petite versait depuis cinq mois avaient rougi ses yeux, fondu ses joues. Sur ses lèvres décolorées, le rire éclatant des anciens jours faisait place maintenant à un sourire froid, silencieux, le sourire des veuves et des amantes délaissées. Ce n'était plus Pierrotte, c'était Ariane, c'était Nina.
Du reste, dans le magasin de l'ancienne maison Lalouette, il n'y avait que lui de changé. Les bergères coloriées, les Chinois à bedaines violettes, souriaient toujours béatement sur les hautes étagères, parmi les verres de Bohême et les assiettes à grandes fleurs.
Les soupières rebondies, les carcels en porcelaine peinte, reluisaient toujours par places derrière les mêmes vitrines et dans l'arrière-boutique la même flûte roucoulait toujours discrètement.
“ C'est moi, Pierrotte, dit la mère Jacques en affermissant sa voix, je viens vous demander un grand service. Prêtez-moi quinze cents francs.” Pierrotte, sans répondre, ouvrit sa caisse, remua quelques écus ; puis, repoussant le tiroir, il se leva tranquillement.
“ Je ne les ai pas ici, monsieur Jacques. Attendez-moi, je vais les chercher là-haut. ” Avant de sortir, il ajouta d'un air contraint: “ Je ne vous dis pas de monter; cela lui ferait trop de peine. ” Jacques soupira. “Vous avez raison, Pierrotte, il vaut mieux que je ne monte pas. ” Au bout de cinq minutes, le Cévenol revint avec deux billets de mille francs qu'il lui mit dans la main.
Jacques ne voulait pas les prendre : “ Je n'ai besoin que de quinze cents francs ”, disait-il. Mais le Cévenol insista : “ Je vous en prie, monsieur Jacques, gardez tout.
Je tiens à ce chiffre de deux mille francs. C'est ce que mademoiselle m'a prêté dans le temps pour m'acheter un homme. Si vous me refusiez, c'est bien le cas de le dire, je vous en voudrais mortellement. ” Jacques n'osa pas refuser ; il mit l'argent dans sa poche, et, tendant la main au Cévenol, il lui dit très simplement : “ Adieu, Pierrotte, et merci! ” Pierrotte lui retint la main.
Ils restèrent quelque temps ainsi, émus et silencieux, en face l'un de l'autre. Tous les deux, ils avaient le nom de Daniel sur les lèvres, mais ils n'osaient pas le prononcer, par une même délicatesse... Ce père et cette mère se comprenaient si bien!... Jacques, le premier, se dégagea doucement. Les larmes le gagnaient ; il avait hâte de sortir, Le Cévenol l'accompagna jusque dans le passage. Arrivé là, le pauvre homme ne put pas contenir plus longtemps l'amertume dont son coeur était plein, et il commença d'un air de reproche : “ Ah ! monsieur Jacques... monsieur Jacques... c'est bien le cas de le dire!... ” Mais il était trop ému pour achever sa traduction, et ne put que répéter deux fois de suite : “ C'est bien le cas de le dire... C'est bien le cas de le dire... ” Oh! oui, c'était bien le cas de le dire! En quittant Pierrotte, Jacques retourna chez l'imprimeur. Malgré les protestations de l'Alsacien, il voulut lui rendre sur-le-champ les quatre cents francs prêtés à Daniel. Il lui laissa en outre, pour n'avoir plus à s'inquiéter, l'argent des trois billets à échoir ; après quoi, se sentant le coeur plus léger, il se dit :
“Cherchons l'enfant. ” Malheureusement, l'heure était déjà trop avancée pour se mettre en chasse le jour même ; d'ailleurs la fatigue du voyage, l'émotion, la petite toux sèche et continue qui le minait depuis longtemps, avaient tellement brisé la pauvre mère Jacques, qu'il dut revenir rue Bonaparte pour prendre un peu de repos.
Ah ! lorsqu'il entra dans la petite chambre et qu'aux dernières heures d'un vieux soleil d'octobre, il revit tous ces objets qui lui parlaient de son enfant:
l'établi aux rimes devant la fenêtre, son verre, son encrier, ses pipes à court tuyau comme celles de l'abbé Germane ; lorsqu'il entendit sonner les bonnes cloches de Saint-Germain un peu enrouées par le brouillard, lorsque l'angélus du soir - cet angélus mélancolique que Daniel aimait tant - vint battre de l'aile contre les vitres humides ; ce que la mère Jacques souffrit, une mère seule pourrait le dire...
Il fit deux ou trois fois le tour de la chambre, regardant partout, ouvrant toutes les armoires, dans l'espoir d'y trouver quelque chose qui le mît sur la trace du fugitif. Mais hélas! les armoires étaient vides. On n'avait laissé que du vieux linge, des guenilles. Toute la chambre sentait le désastre et l'abandon. On était parti, on s'était enfui. Il y avait dans un coin, par terre, un chandelier, et dans la cheminée, sous un monceau de papier brûlé, une boîte blanche à filets d'or. Cette boîte, il la reconnut. C'était là qu'on mettait les lettres des yeux noirs. Maintenant, il la retrouvait dans les cendres. Quel sacrilège! En continuant ses recherches, il dénicha dans un tiroir de l'établi quelques feuillets couverts d'une écriture irrégulière, fiévreuse, l'écriture de Daniel quand il était inspiré. “ C'est un poème sans doute ” se dit la mère Jacques en s'approchant de la fenêtre pour lire. C'était un poème en effet, un poème lugubre, qui commençait ainsi :
“ Jacques, je t'ai menti. Depuis deux mois, je ne fais que te mentir. ” Cette lettre n'était pas partie ; mais, comme on voit, elle arrivait quand même à destination. La Providence, cette fois, avait fait le service de la poste.
Jacques la lut d'un bout à l'autre. Quand il fut au passage où la lettre parlait d'un engagement à Montparnasse, proposé avec tant d'insistance, refusé avec tant de fermeté, il fit un bond de joie :
“ Je sais où il est ”, cria-t-il ; et, mettant la lettre dans sa poche, il se coucha plus tranquille; mais, quoique brisé de fatigue, il ne dormit pas. Toujours cette maudite toux... Au premier bonjour de l'aurore, une aurore d'automne, paresseuse et froide, il se leva lestement. Son plan était fait.
Il ramassa les hardes qui restaient au fond des armoires, les mit dans sa malle, sans oublier la petite boîte à filets d'or, dit un dernier adieu à la vieille tour de Saint-Germain, et partit en laissant tout ouvert, la porte, la fenêtre, les armoires, pour que rien de leur belle vie ne restât dans ce logis que d'autres habiteraient désormais. En bas, il donna congé de la chambre, paya les loyers en retard ; puis, sans répondre aux questions insidieuses du portier, il héla une voiture qui passait et se fit conduire à l'hôtel Pilois, rue des Dames, aux Batignolles.
Cet hôtel était tenu par un frère du vieux Pilois, le cuisinier du marquis. On n'y logeait qu'au trimestre, et des personnes recommandées. Aussi, dans le quartier, la maison jouissait-elle d'une réputation toute particulière. Habiter l'hôtel Pilois, c'était un certificat de bonne vie et de moeurs. Jacques, qui avait gagné la confiance du Vatel de la maison d'Hacqueville, apportait de sa part un panier de vin de Marsala.
Cette recommandation fut suffisante, et quand il demanda timidement à faire partie des locataires, on lui donna sans hésiter une belle chambre au rez-de-chaussée, avec deux croisées ouvrant sur le jardin de l'hôtel, j'allais dire du couvent. Ce jardin n'était pas grand : trois ou quatre acacias, un carré de verdure indigente - la verdure des Batignolles -, un figuié sans figues, une vigne malade et quelques pieds de chrysanthèmes en faisaient tous les frais ; mais enfin cela suffisait pour égayer la chambre, un peu triste et humide de son naturel...
Jacques, sans perdre une minute, fit son installation, planta des clous, serra son linge, posa un râtelier pour les pipes de Daniel, accrocha le portrait de Mme Eyssette à la tête du lit, fit enfin de son mieux pour chasser cet air de banalité qui empeste les garnis; puis, quand il eut bien pris possession, il déjeuna sur le pouce, et sortit après, En passant, il avertit M. Pilois que ce soir-là, exceptionnellement; il rentrerait peut-être un peu tard, et le pria de faire préparer dans sa chambre un gentil souper avec deux couverts et du vin vieux. Au lieu de se réjouir de cet extra, le bon M. Pilois rougit jusqu'au bout des oreilles, comme un vicaire de première année.
“ C'est que, dit-il d'un air embarrassé, je ne sais pas... Le règlement de l'hôtel s'oppose... nous avons des ecclésiastiques qui... ” Jacques sourit: “ Ah! très bien, je comprends...
Ce sont les deux couverts qui vous épouvantent...
Rassurez-vous, mon cher monsieur Pilois, ce n'est pas une femme. ” Et à part lui, en descendant vers Montparnasse, il se disait : “ Pourtant, si, c'est une femme, une femme sans courage, un enfant sans raison qu'il ne faut plus jamais laisser seul. ” Dites-moi pourquoi ma mère Jacques était si sûr de me trouver à Montparnasse. J'aurais bien pu, depuis le temps où je lui écrivis la terrible lettre qui ne partit pas, avoir quitté le théâtre; j'aurais pu n'y être pas entré... Eh bien, non. L'instinct maternel le guidait. Il avait la conviction de me trouver là-bas, et de me ramener le soir même ; seulement, il pensait avec raison : “ Pour l'enlever, il faut qu'il soit seul, que cette femme ne se doute de rien. ” C'est ce qui l'empêcha de se rendre directement au théâtre chercher des renseignements. Les coulisses sont bavardes ; un mot pouvait donner l'éveil... Il aima mieux s'en rapporter tout bonnement aux affiches, et s'en fut vite les consulter.
Les prospectus des spectacles faubouriens se posent à la porte des marchands de vin du quartier, derrière un grillage, à peu près comme les publications de mariage dans les villages de l'Alsace. Jacques, en les lisant, poussa une exclamation de joie.
Le théâtre Montparnasse donnait, ce soir-là, Marie-Jeanne, drame en cinq actes, joué par Mmes Irma Borel, Désirée Levrault, Guigne, etc.
Précédé de : Amour et Pruneaux, vaudeville en un acte, par MM. Daniel, Antonin et Mlle Léontine.
“ Tout va bien, se dit-il. Ils ne jouent pas dans la même pièce ; je suis sûr de mon coup. ” Il entra dans.un café du Luxembourg pour attendre l'heure de l'enlèvement.
Le soir venu, il se rendit au théâtre. Le spectacle était déjà commencé. Il se promena environ une heure sous la galerie, devant la porte, avec les gardes municipaux.
De temps en temps, les applaudissements de l'intérieur venaient jusqu'à lui comme un bruit de grêle lointaine, et cela lui serrait le coeur de penser que c'était peut-être les grimaces de son enfant qu'on applaudissait ainsi... Vers neuf heures, un flot de monde se précipita bruyamment dans la rue. Le vaudeville venait de finir ; il y avait des gens qui riaient encore. On sifflait, on s'appelait : “ Ohé !... Pilouitt !... Lalaitou!” toutes les vociférations de la ménagerie parisienne... Dame! ce n'était pas la sortie des Italiens! Il attendit encore un moment, perdu dans cette cohue ; puis, vers la fin de l'entracte, quand tout le monde rentrait, il se glissa dans une allée noire et gluante à côté du théâtre - l'entrée des artistes -,et demanda à parler à Mme Irma Borel.
“ Impossible, lui dit-on. Elle est en scène... ” C'était un sauvage pour la ruse, cette mère Jacques! De son air le plus tranquille, il répondit ! “Puisque je ne peux pas voir Mme Irma Borel, veuillez appeler M. Daniel; il fera ma commission auprès d'elle. ” Une minute après, la mère Jacques avait reconquit son enfant et l'emportait bien vite à l'autre bout de Paris.