Philippe était un homme riche, dur et grossier; il maltraitait tous ceux qu'il employait à son service. Il se prit de querelle avec un pauvre journalier auquel il demandait une chose impossible. Celui-ci fut obligé d'abandonner le travail qu'il avait commencé. Philippe, furieux, prit une pierre et la jeta à ce malheureux, qu'il atteignit. Le journalier alla ramasser la pierre et la mit dans sa poche, pensant qu'un jour ou l'autre il trouverait l'occasion de rendre à Philippe coup pour coup.
En effet, ce mauvais riche fut, dans sa vieillesse, réduit à la mendicité, et il vint demander l'aumône à la porte de la cabane du journalier. Celui-ci accourut avec sa pierre, en se disant que le moment de la vengeance était arrivé. Mais à la vue des haillons du ci-devant riche et de son air misérable, il s'arrêta et dit:—Je vois bien que l'homme ne doit jamais se venger, car si notre ennemi est fort et puissant, l'on court du danger en le faisant; la vengeance ne sera donc l'oeuvre que d'un fou. Si au contraire notre ennemi est faible et dangereux, il serait infâme d'en abuser pour le maltraiter sans crainte; la vengeance alors serait l'acte d'un lâche.