André était aveugle de naissance; un jour qu'il revenait de l'église, il marchait fort lentement et se guidait à l'aide du bâton qu'il tenait à la main. Lucas, son cousin, lui dit:—Je parie dix écus que je courrai plus vite que toi.
Les personnes qui se trouvaient là s'indignèrent de cette mauvaise plaisanterie, elles furent fort étonnées d'entendre l'aveugle répondre:—J'accepte le pari, mais à condition que tu me laisseras choisir le moment de la course. Lucas fut enchanté, et il voulait qu'on déposât l'argent dans les mains d'un des assistants. Sa joie fut moins vive quand André lui dit:—Nous partirons ce soir au coup de minuit et nous verrons qui arrivera le premier à la ville voisine.
Les deux concurrents se mirent en route à l'heure dite; la nuit était très-obscure et le chemin traversait un bois épais. André, pour lequel la clarté du jour et l'obscurité étaient la même chose, arriva deux heures après à la ville, car il était habitué à parcourir ce chemin sans le secours de ses yeux; quant à Lucas, il s'égara dans la forêt; après être tombé vingt fois, il retourna sans s'en apercevoir sur ses pas, de sorte que l'aveugle à son retour le rencontra tout près du village.