【法语版】L'île au trésor XIV (2)
XIV Le premier coup(2)
Tout à coup, il y eut dans les roseaux une sorte de révolution. Un canard
sauvage s’éleva avec un couac ; un autre le suivit ; puis une nuée d’oiseaux
qui criaient et tourbillonnaient dans les airs. Je jugeai tout de suite que
quelqu’un de mes camarades devait approcher du marécage. En quoi je ne
me trompais point ; car j’entendis bientôt une voix humaine encore assez
éloignée, mais qui me parut se rapprocher rapidement de l’endroit où je me
trouvais.
Cela me fit grand-peur ; aussi m’empressai-je de me glisser sous le chêne
vert le plus proche, et, tapi dans ses basses branches, je restai là accroupi,
retenant mon haleine, silencieux comme une souris.
Une autre voix répondit bientôt à la première ; puis celle-ci, dans laquelle
je reconnus alors celle de John Silver, recommença à parler et continua
pendant assez longtemps, interrompue de temps à autre par la seconde. À
leur ton, je jugeai qu’elles parlaient avec animation, presque avec colère ;
mais pas un mot distinct n’arrivait à mon oreille.
Enfin, les deux interlocuteurs parurent s’arrêter. Sans doute ils s’étaient
assis, car ils ne se rapprochaient plus de moi, et les oiseaux, cessant de
tournoyer dans les airs, redescendaient peu à peu dans le marécage. Une
sorte de remords se fit alors jour dans ma conscience. Il me sembla que je ne
faisais pas mon devoir en flânant pour mon plaisir ; qu’ayant eu la témérité
de venir à terre avec ces coquins, je devais au moins tenter de les surveiller
et d’assister à leurs conseils ; en un mot, je sentis qu’il fallait me rapprocher
d’eux le plus possible, à l’ombre propice de ces grands arbres à branches
traînantes, dont j’étais entouré.