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CHAPITRE XV POIROT SUGGÈRE UNE IDÉE(1)

时间:2023-10-07来源:互联网 进入法语论坛
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CHAPITRE XV

POIROT SUGGÈRE UNE IDÉE

Le Dr Reilly s’était levé et, quand tout le monde fut dehors, il referma la

porte avec soin. Puis, après un coup d’œil à Poirot, il ferma une de ses fenêtres

donnant sur la cour et demeurée ouverte. Ensuite, il se rassit comme les autres.

— Bien ! dit Poirot. Nous sommes à présent en petit comité privé et pouvons

parler librement. Nous avons entendu ce que chaque membre de l’expédition

avait à nous révéler et… Mais, dites-moi, ma sœur, à quoi songez-vous en cet

instant ?

Je me mis à rougir. Impossible de nier le fait : ce drôle de petit bonhomme

avait le regard pénétrant. Il voyait la pensée qui venait de m’effleurer… peut-être

mon visage exprimait-il trop clairement le fond de mon esprit ?

— Oh ! ce n’est rien ! dis-je avec hésitation.

— Allons, nurse, ne faites pas attendre le spécialiste, encouragea le

Dr Reilly.

— Vraiment, ce n’est rien. Il me passait seulement par la tête l’idée que si

quelqu’un connaissait ou suspectait quelque chose, il lui était difficile de parler

devant les autres… et particulièrement devant le Dr Leidner.

À ma surprise, M. Poirot approuva d’un vigoureux mouvement de tête.

— Absolument, absolument. Ce que vous dites là est très juste, mais je vais

vous donner mon explication. Cette réunio avait un but. En Angleterre, avant les

courses a lieu la présentation des chevaux. Ils défilent devant la grande tribune

afin que chacun puisse les voir et les juger. Voilà la raison de ma petite

assemblée. En langage sportif, j’ai promené mes regards sur les partants

probables.

Le Dr Leidner se récria violemment :

— Pas une minute, je n’admettrai qu’un membre de mon expédition soit

impliqué dans ce crime.

Puis, se tournant vers moi, il me dit, d’une voix autoritaire :

— Nurse, je vous serais reconnaissant de bien vouloir dire à M. Poirot

exactement ce qui s’est passé entre ma femme et vous, voilà deux jours.

Obéissant à cette injonction, je débitai mon histoire, essayant, autant que

possible, de me rappeler textuellement les termes employés par Mrs Leidner.

Lorsque j’eus terminé, M. Poirot observa.

— Très bien ! Très bien ! Je vous félicite de votre esprit clair et ordonné.

Vous me rendrez ici de signalés services.

Puis, s’adressant au Dr Leidner :

— Avez-vous ces lettres ?

— Oui, les voici. J’ai pensé que vous aimeriez à les voir avant tout.

Poirot s’en saisit, les lut en les étudiant méticuleusement. Je m’attendais à ce

qu’il les saupoudrât et les examinât au microscope, mais je fus bien déçue. Je me

rendis compte alors que cet homme n’était plus très jeune et que ses méthodes

dataient quelque peu, car il se contenta de lire ces lettres comme un simple

mortel.

Sa lecture terminée, il les posa devant lui et toussota.

— Maintenant, dit-il, mettons de l’ordre dans nos idées. La première de ces

lettres fut reçue par Mrs Leidner peu de temps après son mariage avec vous en

Amérique. Il lui en était parvenu d’autres qu’elle avait détruites. La première

lettre fut suivie d’une seconde, et, quelque temps après, vous échappâtes tous

deux à une asphyxie par le gaz. Ensuite, vous voyageâtes à l’étranger et pendant

presque deux ans ces lettres cessèrent. Puis, au début de votre saison ici, c’est-à-

dire durant ces dernières trois semaines, elles reparurent. Est-ce exact ?

— Parfaitement exact.

— Voyant votre femme constamment en proie à une peur panique, vous avez

cru devoir consulter le Dr Reilly et engager une infirmière, en l’espèce

miss Leatheran, pour tenir compagnie à votre femme et apaiser ses craintes ?

— Oui.

— Certains incidents se produisent : des mains frappent à la fenêtre, une

figure spectrale surgit derrière les vitres, des bruits nocturnes se font entendre

dans la salle des antiquités. Vous-même n’avez été témoin d’aucun de ces

phénomènes ?

— Non.

— En réalité, Mrs Leidner en a seule été témoin ?

— Le père Lavigny a vu une lumière dans la salle des antiquités.

— Oui. Je ne l’ai pas oublié.

Après un silence d’une minute, il demanda :

— Votre femme laisse-t-elle un testament ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce qu’elle ne le jugeait pas utile.

— Ne possédait-elle donc pas de fortune ?

— Si, de son vivant. Son père lui a légué une somme considérable, mais elle

ne pouvait toucher au capital. À sa mort, cet argent devait revenir à ses enfants si,

toutefois, elle en avait… Si elle mourait sans enfants, comme c’est le cas,

l’héritage devait passer au Pittstown Museum.

Pensivement, Poirot tambourina sur la table.

— Ce qui nous permet d’éliminer dès maintenant un mobile du crime. S’il

s’agit d’un meurtre, dès le commencement de l’enquête je me pose cette

question : Qui bénéficie de cette mort ! Cette fois, c’est un musée. En eût-il été

autrement, si Mrs Leidner était morte intestat en laissant une grosse fortune, je

vous aurais alors demandé : Quel est l’héritier ? Vous… ou le premier mari ? Pour

que celui-ci fasse valoir ses droits à l’héritage, il lui faudrait ressusciter ; il

courrait dès lors grand risque d’être arrêté, bien que, j’imagine, cette peine de

mort ne serait point appliquée si longtemps après la guerre. Mais nous n’avons

pas à envisager pareille éventualité. Comme je vous le disais, je songe

premièrement à la question d’intérêt. Secondairement, je soupçonne toujours le

mari ou la femme de la victime ! Trois choses plaident en votre faveur : d’abord il

est prouvé que vous n’avez pas approché de la chambre de votre femme durant

l’après-midi d’hier, ensuite le décès de Mrs Leidner, au lieu de vous enrichir,

diminue votre fortune, et, en troisième lieu…

Poirot s’interrompit.

— En troisième lieu ? répéta le Dr Leidner.

— Eh bien ! certaines attitudes ne me trompent guère. Docteur Leidner,

l’amour que vous éprouviez pour votre femme était la grande passion de votre

vie, n’est-ce pas ?

Le docteur répondit simplement :

— Oui.

— Alors, poursuivons, dit Poirot.

— Hâtons-nous, ou nous n’en viendrons jamais à bout, observa le Dr Reilly

avec impatience.

Poirot lui lança un regard chargé de reproche.

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