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CHAPITRE XXI M. MERCADO, RICHARD CAREY(1)

时间:2023-10-07来源:互联网 进入法语论坛
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CHAPITRE XXI

M. MERCADO, RICHARD CAREY

— Ils travaillent, à ce que je vois, à deux chantiers différents, dit Poirot en

s’arrêtant.

Mr Reiter avait pris ses clichés à une extrémité de l’excavation principale. À

quelque distance de nous, un second groupe d’hommes allait et venait, portant des

paniers.

— Voilà ce qu’on appelle la grande tranchée, expliquai-je. On n’y extrait pas

grand-chose, sauf des fragments de poteries bons à jeter aux ordures, mais le

Dr Leidner affirme qu’ils offrent un énorme intérêt. Il a sans doute raison.

— Eh bien ! allons-y.

Nous cheminions lentement, car les rayons du soleil étaient brûlants.

M. Mercado dirigeait les travaux. Nous le vîmes, au-dessous de nous, en

conversation avec le contremaître, un vieillard dont l’épiderme était fripé comme

la peau d’une tortue et qui portait un manteau de drap sur la longue tunique de

coton rayé.

On accédait à la tranchée par un étroit et mauvais chemin, taillé de marches

grossières, dans lequel les porteurs montaient et descendaient constamment, sans

même se ranger pour nous laisser passer.

Je suivais Poirot qui me demanda soudain, par-dessus son épaule :

— M. Mercado est-il droitier ou gaucher ?

Quelle drôle de question ! pensais-je.

Après un instant de réflexion, je répondis :

— Il est droitier.

Poirot ne condescendit point à me fournir des explications, il continua sa

route.

M. Mercado parut enchanté de nous voir. Sa longue figure mélancolique

s’éclaira d’un sourire.

M. Poirot feignit de s’intéresser à l’archéologie. Je suis persuadée qu’il s’en

moquait royalement, mais M. Mercado se mit en quatre pour le renseigner.

Il lui annonça qu’ils avaient creusé douze couches de fondations.

— Nous arrivons à présent au quatrième millénaire, ajouta-t-il avec

enthousiasme.

— Tiens ! Je me figurais qu’un millénaire n’existait que dans l’avenir…

époque où tout finit, dit-on, par s’arranger.

M. Mercado désigna les couches de cendres.

(Comme sa main tremblait ! Était-il atteint de la malaria ?) Il lui apprit

comment les poteries et les sépultures changeaient de style suivant les siècles, lui

expliqua qu’ils avaient découvert, dans une certaine couche, toute une série de

sépulcres d’enfants – pauvres petits anges ! – et lui parla de la position et de

l’orientation des ossements.

Soudain, au moment où il se baissait pour ramasser une espèce de couteau en

silex gisant dans un coin en compagnie de poteries, il bondit en poussant un

hurlement.

Il se retourna et vit Poirot et moi qui le regardions, l’air étonné.

De sa main, il se frappa le bras gauche.

— Quelque chose m’a piqué comme une aiguille chauffée à blanc !

Poirot parut galvanisé d’énergie.

— Vite, cher monsieur ! Montrez-nous cela ! Mademoiselle Leatheran !

Je m’avançai.

Il saisit d’un geste adroit le bras de M. Mercado et releva la manche de la

chemise kaki jusqu’à l’épaule.

— Là, dit M. Mercado, en désignant la piqûre.

À trois pouces environ au-dessous de l’épaule, une goutte de sang perlait.

— Curieux ! s’exclama Poirot. (Il examina soigneusement la manche

relevée.) Je ne vois rien, C’est sans doute une fourmi.

— On ferait bien d’y mettre un peu d’iodine, observai-je.

Je porte toujours sur moi un crayon d’iodine. Je le tirai vivement de son étui

et l’appliquai sur la piqûre. Mais mon attention fut distraite par un détail

inattendu : l’avant-bras de M. Mercado, sur toute sa longueur, était marqué de

petits points. Je reconnus là les traces de l’aiguille hypodermique.

M. Mercado rabaissa sa manche et reprit ses explications. M. Poirot prêta

une oreille attentive, mais il n’essaya point d’amener la conversation sur le couple

Leidner. De fait, il ne posa aucune question à M. Mercado.

Bientôt nous prîmes congé de M. Mercado et remontâmes le sentier.

— Pas mal joué, hein ? me demanda mon compagnon.

Du revers de son veston, M. Poirot retira un objet et le contempla

amoureusement. À ma stupéfaction, je vis une longue aiguille à repriser munie à

l’extrémité d’une goutte de cire à cacheter lui donnant la forme d’une épingle.

— Monsieur Poirot ! m’écriai-je. C’est vous qui avez fait cela ?

— C’est moi l’insecte piqueur. Et je m’y suis adroitement pris, qu’en dites-

vous ? Vous ne m’avez même pas vu.

C’était pourtant vrai. Je ne l’avais pas vu, pas plus, d’ailleurs, que

M. Mercado ne l’avait soupçonné. Son geste dut être rapide comme l’éclair.

— Mais… monsieur Poirot… pourquoi ?

Il me répondit par une autre question.

— N’avez-vous rien remarqué, ma sœur ?

— Si, des marques de piqûres hypodermiques.

— Nous savons donc quelque chose sur le compte de M. Mercado. Je m’en

doutais… mais sans savoir. Or, il est toujours utile de savoir.

« Et tous les moyens d’investigation vous sont bons, » pensai-je à part moi,

mais je crus bon de me taire.

Poirot se frappa la cuisse à l’endroit de sa poche :

— Ah ! zut ! J’ai laissé tomber mon mouchoir là-baset j’y avais caché

l’épingle.

— Je cours le chercher, dis-je en rebroussant chemin.

Le naturel revenu chez moi au galop, je considérais Poirot comme le

médecin et moi comme l’infirmière chargée de la guérison d’un cas grave. De

fait, il s’agissait d’une opération et Poirot était le chirurgien. Je ne devrais peut-

être pas l’avouer, mais, au fond, tout cela commençait à m’amuser.

Je me souviens que, tout de suite après mon stage, je fus envoyée dans une

villa pour soigner une malade. Une opération immédiate s’imposant, et le mari ne

voulant pas entendre parler de maison de santé, la patiente fut opérée chez elle.

Pour moi, c’était une aubaine ! Personne pour me surveiller ! Je m’occupais

de tout et ne savais où donner de la tête. Je songeais à tout ce dont le chirurgien

aurait besoin, mais je craignais constamment d’avoir oublié un détail. On ne sait

jamais à quoi s’en tenir avec ces gens-là ! Au dernier moment, il leur manque

toujours quelque chose. Cependant, tout marcha comme sur des roulettes. Je le

servis à souhait et, l’opération terminée, il me prodigua des éloges… Fait assez

rare chez un chirurgien ! D’autre part, le médecin traitant était un homme

extrêmement gentil. Et je dirigeai seule la maison à la satisfaction de tous.

La malade récupéra sa santé et le bonheur régna de nouveau dans la villa.

Actuellement, je me trouvais dans le même état d’esprit. M. Poirot me

rappelait un peu ce chirurgien, petit et laid, avec une figure de singe, mais quel

homme prodigieux ! D’instinct, il savait où trancher. Je connais pas mal de

chirurgiens et sais reconnaître leurs mérites.

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