La partie II. La Femme sans coeur
第二章 冷酷的女人
【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin (2.01)
Après être resté silencieux pendant un moment, Raphaël dit en laissant échapper un geste d'insouciance : - Je ne sais en vérité s'il ne faut pas attribuer aux fumées du vin et du punch l'espèce de lucidité qui me permet d'embrasser en cet instant toute ma vie comme un même tableau où les figures, les couleurs, les ombres, les lumières, les demi-teintes sont fidèlement rendues. Ce jeu poétique de mon imagination ne m'étonnerait pas, s'il n'était accompagné d'une sorte de dédain pour mes souffrances et pour mes joies passées. Vue à distance, ma vie est comme rétrécie par un phénomène moral. Cette longue et lente douleur qui a duré dix ans peut aujourd'hui se reproduire par quelques phrases dans lesquelles la douleur ne sera plus qu'une pensée, et le plaisir une réflexion philosophique. Je juge, au lieu de sentir...
- Tu es ennuyeux comme un amendement qui se développe, s'écria Emile.
- C'est possible, reprit Raphaël sans murmurer. Aussi, pour ne pas abuser de tes oreilles, te ferai-je grâce des dix-sept premières années de ma vie. Jusque-là, j'ai vécu comme toi, comme mille autres, de cette vie de collège ou de lycée, dont les malheurs fictifs et les joies réelles sont les délices de notre souvenir, à laquelle notre gastronomie blasée redemande les légumes du vendredi, tant que nous ne les avons pas goûtés de nouveau : belle vie dont les travaux nous semblent méprisables et qui cependant nous ont appris le travail...
- Arrive au drame, dit Emile d'un air moitié comique et moitié plaintif.
- Quand je sortis du collège, reprit Raphaël en réclamant par un geste le droit de continuer, mon père m'astreignit à une discipline sévère, il me logea dans une chambre contiguë à son cabinet ; je me couchais dès neuf heures du soir et me levais à cinq heures du matin ; il voulait que je fisse mon Droit en conscience, j'allais en même temps à l'Ecole et chez un avoué ; mais les lois du temps et de l'espace étaient si sévèrement appliquées à mes courses, à mes travaux, et mon père me demandait en dînant un compte si rigoureux de...
- Qu'est-ce que cela me fait ? dit Emile.
沉默了一会儿后,拉法埃尔无意中做了一个洒脱的姿势说:
“说老实话,我此刻头脑特别清醒,能把我的一生概括成一幅图画,我不知道这是否应归功于葡萄酒和五味酒的力量。总之,这幅画中的一切形象、色彩、陰影、光线和半浓半淡的色调都得到如实的反映。我想象中的这种诗意的花招,如果它对我过去的一切痛苦和快乐不是带着某种轻蔑态度,我倒也不觉得奇怪。从远处看,我的生命似乎是被一种奇怪的精神现象所缩短了。这种持续了十年的漫长而隐约的痛苦,今天可以用几句话来复述,其中的所谓痛苦只不过是一个概念,而快乐也只是种哲学的反省而已。我是在用判断来代替感觉……"
“你简直象一件没完没了的修正案那么讨厌,”爱弥尔嚷道。
“也许你说得对,”拉法埃尔心平气和地接着说,“为了不致滥用你的听觉,我打算把我十七岁以前的经历略去不谈了。在这以前,我象你,也象无数别的人那样,过的是中学生的生活,这种生活中虚构的痛苦和真正的快乐都成了我们甜蜜的回忆。只要我们没有再过这种生活的机会,我们对珍馐美味发腻了的胃口,都会向往星期五的素食。过去美好生活中的作业,尽管我们似乎觉得讨厌,可是,它却教我们懂得了工作……”
“快谈你的悲剧吧,”爱弥尔露出半滑稽半埋怨的神气说。“我从中学毕业以后,”拉法埃尔接着说,一面举起手做出要求继续发言的姿势,“我父亲就强迫我按照严格的纪律生活,他让我住在与他的工作室相毗连的一间房里;我晚上九点钟就得睡觉,早上五点钟便要起床;他要我专心攻读法科;我除上学外,还到一个诉讼代理人那里学习;我每天走路和上课的时间都经过严密的安排,晚餐的时候,我父亲还要严格检查我的功课……”
“你说的这些和我有什么关系?”爱弥尔打断了他的话。