【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin (2.35)
La partie II. La Femme sans coeur
En tournant sous les guichets de l'Institut, un mouvement fiévreux me saisit. je me souvins alors que j'étais à jeun. Je ne possédais pas un denier. Pour comble de malheur, la pluie déformait mon chapeau. Comment pouvoir aborder désormais une femme élégante et me présenter dans un salon sans un chapeau mettable ! Grâce à des soins extrêmes, et tout en maudissant la mode niaise et sotte qui nous condamne à exhiber la coiffe de nos chapeaux en les gardant constamment à la main, j'avais maintenu le mien jusque-là dans un état douteux. Sans être curieusement neuf ou sèchement vieux, dénué de barbe ou très soyeux, il pouvait passer pour le chapeau d'un homme soigneux ; mais son existence artificielle arrivait à son dernier période, il était blessé, déjeté, fini, véritable haillon, digne représentant de son maître. Faute de trente sous, je perdais mon industrieuse élégance. Ah ! combien de sacrifices ignorés n'avais-je pas faits à Foedora depuis trois mois !
Souvent je consacrais l'argent nécessaire au pain d'une semaine pour aller la voir un moment. Quitter mes travaux et jeûner, ce n'était rien ! Mais traverser les rues de Paris sans se laisser éclabousser, courir pour éviter la pluie, arriver chez elle aussi bien mis que les fats qui l'entouraient, ah ! pour un poète amoureux et distrait, cette tâche avait d'innombrables difficultés. Mon bonheur, mon amour, dépendait d'une moucheture de fange sur mon seul gilet blanc ! Renoncer à la voir si je me crottais, si je me mouillais ! Ne pas posséder cinq sous pour faire effacer par un décrotteur la plus légère tache de boue sur ma botte ! Ma passion s'était augmentée de tous ces petits supplices inconnus, immenses chez un homme irritable. Les malheureux ont des dévouements desquels il ne leur est point permis de parier aux femmes qui vivent dans une sphère de luxe et d'élégance ; elles voient le monde à travers un prisme qui teint en or les hommes et les choses.
Optimistes par égoïsme, cruelles par bon ton, ces femmes s'exemptent de réfléchir au nom de leurs jouissances, et s'absolvent de leur indifférence au malheur par l'entraînement du plaisir. Pour elles un denier n'est jamais un million, c'est le million qui leur semble être un denier. Si l'amour doit plaider sa cause par de grands sacrifices, il doit aussi les couvrir délicatement d'un voile, les ensevelir dans le silence ; mais, en prodiguant leur fortune et leur vie, en se dévouant, les hommes riches profitent des préjugés mondains qui donnent toujours un certain éclat à leurs amoureuses folies ; pour eux le silence parle et le voile est une grâce, tandis que mon affreuse détresse me condamnait à d'épouvantables souffrances sans qu'il me fût permis de dire : J'aime ! ou : je meurs ! Etait-ce du dévouement après tout ? N'étais-je pas richement récompensé par le plaisir que j'éprouvais à tout immoler pour elle ? La comtesse avait donné d'extrêmes valeurs, attaché d'excessives jouissances aux accidents les plus vulgaires de ma vie. Naguère insouciant en fait de toilette, je respectais maintenant mon habit comme un autre moi-même. Entre une blessure à recevoir et la déchirure de mon frac, je n'aurais pas hésité ! Tu dois alors épouser ma situation et comprendre les rages de pensées, la frénésie croissante qui m'agitaient en marchant, et que peut-être la marche animait encore ! J'éprouvais je ne sais quelle joie infernale à me trouver au faîte du malheur. Je voulais voir un présage de fortune dans cette dernière crise ; mais le mal a des trésors sans fond. La porte de mon hôtel était entrouverte. A travers les découpures en forme de coeur pratiquées dans le volet, j'aperçus une lumière projetée dans la rue. Pauline et sa mère causaient en m'attendant. J'entendis prononcer mon nom, j'écoutai.
“当我在研究院墙上的小窗口下转弯的时候,忽然感到一阵发烧,这时我才想起还没吃过东西,我身上连一个铜子都没有。最倒霉的是雨水把我的帽子打湿了,使它走了样。从今以后,没有一顶象样的帽子,叫我如何能接近时髦的女人,并在沙龙里露面!尽管我诅咒强迫我们把帽子经常拿在手里,以便随时向人展示帽子衬里的那种既无聊又愚蠢的风气,我却极端小心地照料我的帽子,多亏这样,直到这次遇雨以前,我还能把帽子保持在半新不旧的状态,既不太新,也不太旧,既未掉毛,也不太光亮,它可以被看做细心人的帽子;但是,它那虚有其表的存在,已到达最后的阶段,此刻它已损坏,歪扭,完蛋了,成了真正的破烂,和它的主人倒十分相称。就因为我缺少三十个铜子,使我丧失了精心保存下来的时髦行头。啊!三个月来我不知为馥多拉做出了多少无人知晓的牺牲!
“我常常因为要去看她一会儿,便把一个礼拜内必需花的面包钱节省下来。放弃工作和饿着肚子,这还不算什么!但是,穿过巴黎的街道而不让身上溅着一点泥污,为躲雨而拚命奔跑,到她家里时,还得象围绕在她身边的花花公子般穿得干干净净,啊!对一个钟情的诗人和粗心者来说,要完成这项任务,真有数不完的困难。我的幸福,我的爱情都要受到我唯一的白背心上的一小点泥斑的影响!万一我被溅上泥浆,被雨水打湿,我就只好放弃去看她的希望!我连花三个铜子让擦鞋人给我擦掉长靴上的一处最小的泥污都花不起!这一切旁人不知道的小痛苦,对一个易激动的人来说,却是极大的苦刑,这反而增加了我的激情。穷苦的人有他们的忠诚之处,这种忠诚是他们无法向生活在荣华富贵中的女人诉说的;因为她们看世界是透过一个三棱镜的,她们所看见的人和物都被染成了金色。
“她们的乐观来源于自私,她们的娴雅出于残忍,这些女人排除思虑是为了尽情享受和为了快乐而原谅自己漠视别人的不幸。对她们说来,一个铜子决不是百万金币,而百万金币在她眼里倒象是一个铜子。如果爱情应该用巨大的牺牲做代价,那也应当把这种牺牲掩盖起来,把它埋葬在沉默里;但是,当有钱人为爱情浪费他们的财富和生命,当他们为爱情表示他们的忠诚时,却能利用上流社会的偏见,这种偏见对他们恋爱的疯狂行为,往往给予一定的荣誉;对他们来说,沉默等于张扬,掩盖倒是种优雅行为,至于我的可憎的穷困却使我陷入可怕的痛苦之中,甚至不让我说出‘我恋爱’或‘我死亡,!说到底,这算不算忠诚呢?我为她牺牲了一切而感到快乐,难道这不就是我所得到的丰富的报酬吗?伯爵夫人曾经使我生活中最平凡的琐事,具有极大的价值和给我增添了无上的快乐。从前我对衣着是不关心的,现在我却把我的衣服看做我的第二生命。要在让我的身体受伤或让我的燕尾服被撕破这两者之间作一选择,我将毫不迟疑地选择前者!那么,你应该设身处地来了解我的这种疯狂思想和我在走路时越走越激动的狂乱情绪,也许是走路使我的狂乱心情更火上添油!我在面临灾难的顶点时,反而感到一种莫名其妙的快乐。我愿意在这场最后的灾难中看到命运的预兆;但是,恶运是一个深不可测的宝藏。我住的旅馆的大门半开半掩,透过百叶窗上心形的切孔,我看到了投射到街上的一缕光线。波利娜和她母亲一面谈话,一面在等候我。听到谈话中提到我的名字,我索性停下来倾听。