【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin (2.11)
La partie II. La Femme sans coeur
O mon cher Emile ! aujourd'hui que j'ai vingt-six ans à peine, que je suis sûr de mourir inconnu, sans avoir jamais été l'amant de la femme que j'ai rêvé de posséder, laisse-moi te conter mes folies ? N'avons-nous pas tous, plus ou moins, pris nos désirs pour des réalités ? Ah ! je ne voudrais point pour ami d'un jeune homme qui dans ses rêves ne se serait pas tressé des couronnes, construit quelque piédestal ou donné de complaisantes maîtresses. Moi ! j'ai souvent été général, empereur ; j'ai été Byron, puis rien. Après avoir joué sur le faîte des choses humaines, je m'apercevais que toutes les montagnes, toutes les difficultés restaient à gravir. Cet immense amour-propre qui bouillonnait en moi, cette croyance sublime à une destinée, et qui devient du génie peut-être, quand un homme ne se laisse pas déchiqueter l'âme par le contact des affaires aussi facilement qu'un mouton abandonne sa laine aux épines des halliers où il passe, tout cela me sauva. Je voulus me couvrir de gloire et travailler dans le silence pour la maîtresse que j'espérais avoir un jour. Toutes les femmes se résumaient par une seule, et cette femme je croyais la rencontrer dans la première qui s'offrait à mes regards ; mais, voyant une reine dans chacune d'elles, toutes devaient, comme les reines qui sont obligées de faire des avances à leurs amants, venir au-devant de moi, souffreteux, pauvre et timide.
Ah ! pour celle qui m'eût plaint, j'avais dans le coeur tant de reconnaissance outre l'amour, que je l'eusse adorée pendant toute sa vie. Plus tard, mes observations m'ont appris de cruelles vérités.
Ainsi, mon cher Emile, je risquais de vivre éternellement seul. Les femmes sont habituées, par je ne sais quelle pente de eur esprit, à ne voir dans un homme de talent que ses défauts, et dans un sot que ses qualités ; elles éprouvent de grandes sympathies pour les qualités du sot qui sont une flatterie perpétuelle de leurs propres défauts, tandis que l'homme supérieur ne leur offre pas assez de jouissances pour compenser ses imperfections. Le talent est une fièvre intermittente, nulle femme n'est jalouse d'en partager seulement les malaises ; toutes elles veulent trouver dans leurs amants des motifs de satisfaire leur vanité. C'est elles encore qu'elles aiment en nous ! Un homme pauvre, fier, artiste, doué du pouvoir de créer, n'est-il pas armé d'un blessant égoïsme ? il existe autour de lui je ne sais quel tourbillon de pensées dans lequel il enveloppe tout, même sa maîtresse, qui doit en suivre le mouvement. Une femme adulée peut-elle croire à l'amour d'un tel homme ? ira-t-elle le chercher ? Cet amant n'a pas le loisir de s'abandonner autour d'un divan à ces petites singeries de sensibilité auxquelles les femmes tiennent tant et qui sont le triomphe des gens faux et insensibles. Le temps manque à ses travaux, comment en dépenserait-il à se rapetisser, à se chamarrer ? Prêt à donner ma vie d'un coup, je ne l'aurais pas avilie en détail.
“噢!我亲爱的爱弥尔,今天我才二十六岁,就已经确信我会默默无闻地死去,永远不能成为我梦想要占有的女人的情人,让我把自己的疯狂情况都告诉你吧!我们难道不全都一样,或多或少把自己的欲望当成现实吗?啊!我绝不愿要一个在他的梦中没有给自己编桂冠,没有为自己的雕像建台座或者占有几个殷勤的情妇的青年人做朋友。我嘛,我常常想自己是将军,是皇帝,也曾是拜轮,而最后,什么也不是。在人类事业的顶峰上神游过之后,我发现还有无数高山需要攀登,无数艰难险阻需要克雅。这种巨大的自尊心在激励着我,又绝对相信命运,我想一个人要是在和纷纭的世事接触之后,不让自己的灵魂给撕成碎片,就象绵羊通过荆棘丛时被刷下羊毛那样轻而易举,那么他也许会成为天才,正是这一切挽救了我。我希望得到荣誉,并愿为我终有一天要得到的情妇而默默地工作。我把所有的女人归纳成一个女人,这样一个女人,我相信会在最先出现在我眼前的女人身上找到;但是,我把她们中的每一个都看成皇后,象一切皇后都必须主动亲近她们的情人那样,她们全都该前来欢迎我这个穷苦、可怜和羞怯的人。
“啊!对于那位怜悯我的女人,我心中除了爱之外,还充满了感激之情,我愿终身钟爱她。可是,不久之后,我的观察却使我明白了许多残酷的事实。
“因此,亲爱的爱弥尔,我恐怕要永远过孤独的生活了。我不知道是出于什么精神上的偏向,女人们都习惯于在有才华的人身上只看到缺点,在笨蛋的身上却只看到优点;她们对笨蛋的优点寄予极大的同情,其实这些所谓优点,不过是对她们自身缺陷的永远赞美,至于优秀的男人却没有贡献足够的享受借以补偿她们的缺陷。才华是种间歇性的热病,任何女人都不会乐于仅仅分担这分苦恼,所有女人都想在情人身上找到使她们的虚荣心得到满足的理由。说到底,她们所爱于我们的还是为了她们自己!一个又穷又傲的艺术家,赋有创作的才能,难道他不是也具有损人的私心吗?在他的周围,我不知道有一股什么样的思想旋风,他会把一切甚至他的情妇都裹在这股旋风里,她也就只好随风而转。难道喜欢别人奉承的女人,能相信这种男人的爱情吗?她会去找这样的人吗?这样的情人没有闲功夫在长沙发旁边献身给女人们特别喜爱的肉麻的调情,这种事情倒是虚伪的、无情的男人的拿手好戏。正派的男人连工作的时间还嫌不够,他哪能白浪费时间去打扮自己,去做降低自己身价的事情?我宁愿一下子牺牲自己的性命,也不愿意把它减价另售。