【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin (2.33)
La partie II. La Femme sans coeur
Elle s'exprimait avec le sang-froid d'un avoué, d'un notaire, expliquant à leurs clients les moyens d'un procès ou les articles d'un contrat. Le timbre clair et séducteur de sa voix n'accusait pas la moindre émotion ; seulement sa figure et son maintien, toujours nobles et décents, me semblèrent avoir une froideur, une sécheresse diplomatiques. Elle avait sans doute médité ses paroles et fait le programme de cette scène. Oh ! mon cher ami, quand certaines femmes trouvent du plaisir à nous déchirer le coeur, quand elles se sont promis d'y enfoncer un poignard et de le retourner dans la plaie, ces femmes-là sont adorables, elles aiment ou veulent être aimées ! Un jour elles nous récompenseront de nos douleurs, comme Dieu doit, dit-on, rémunérer nos bonnes oeuvres ; elles nous rendront en plaisirs le centuple d'un mal dont la violence est appréciée par elles, leur méchanceté n'est-elle pas pleine de passion ? Mais être torturé par une femme qui nous tue avec indifférence, n'est-ce pas un atroce supplice ? En ce moment Foedora marchait, sans le savoir, sur toutes mes espérances, brisait ma vie et détruisait mon avenir avec la froide insouciance et l'innocente cruauté d'un enfant qui, par curiosité, déchire les ailes d'un papillon.
- " Plus tard, ajouta Foedora, vous reconnaîtrez, je l'espère, la solidité de l'affection que j'offre à mes amis. Pour eux, vous me trouverez toujours bonne et dévouée. Je saurais leur donner ma vie, mais vous me mépriseriez si je subissais leur amour sans le partager. Je m'arrête. Vous êtes le seul homme auquel j'aie encore dit ces derniers mots.
D'abord les paroles me manquèrent, et j'eus peine à maîtriser l'ouragan qui s'élevait en moi ; mais bientôt je refoulai mes sensations au fond de mon âme, et me mis à sourire : - " Si je vous dis que je vous aime, répondis-je, vous me bannirez ; si je m'accuse d'indifférence, vous m'en punirez. Les prêtres, les magistrats et les femmes ne dépouillent jamais leur robe entièrement. Le silence ne préjuge rien ; trouvez bon, madame, que je me taise. Pour m'avoir adressé de si fraternels avertissements, il faut que vous ayez craint de me perdre, et cette pensée pourrait satisfaire mon orgueil. Mais laissons la personnalité loin de nous. Vous êtes peut-être la seule femme avec laquelle je puisse discuter en philosophe une résolution si contraire aux lois de la nature. Relativement aux autres sujets de votre espèce, vous êtes un phénomène. Eh ! bien, cherchons ensemble, de bonne foi, la cause de cette anomalie Psychologique. Existe-t-il en vous, comme chez beaucoup de femmes fières d'elles-mêmes, amoureuses de leurs perfections, un sentiment d'égoïsme raffiné qui vous fasse prendre en horreur l'idée d'appartenir à un homme, d'abdiquer votre vouloir et d'être soumise à une supériorité de convention qui vous offense ? vous me sembleriez mille fois plus belle. Auriez-vous été maltraitée une première fois par l'amour ? Peut-être le prix que vous devez attacher à l'élégance de votre taille, à votre délicieux corsage, vous fait-il craindre les dégâts de la maternité : ne serait-ce pas une de vos meilleures raisons secrètes pour vous refuser à être trop bien aimée ? Avez-vous des imperfections qui vous rendent vertueuse malgré vous ? Ne vous fâchez pas, je discute, j'étudie, je suis à mille lieues de la passion. La nature, qui fait des aveugles de naissance, peut bien créer des femmes sourdes, muettes et aveugles en amour. Vraiment vous êtes un sujet précieux pour l'observation médicale ! Vous ne savez pas tout ce que vous valez. Vous pouvez avoir un dégoût fort légitime pour les hommes, je vous approuve, ils me paraissent tous laids et odieux. Mais vous avez raison, ajoutai-je en sentant mon coeur se gonfler, vous devez nous mépriser, il n'existe pas d'homme qui soit digne de vous !
" Je ne te dirai pas tous les sarcasmes que je lui débitai en riant. Eh ! bien, la parole la plus acérée, l'ironie la plus aiguë, ne lui arrachèrent ni un mouvement ni un geste de dépit. Elle m'écoutait en gardant sur ses lèvres dans ses yeux, son sourire d'habitude, ce sourire qu'elle
prenait comme un vêtement, et toujours le même pour ses amis, pour ses simples connaissances, pour les étrangers.
- " Ne suis-je pas bien bonne de me laisser mettre ainsi sur un amphithéâtre ? dit-elle en saisissant un moment pendant lequel je la regardais en silence. Vous le voyez, continua-t-elle en riant, je n'ai pas de sottes susceptibilités en amitié ! Beaucoup de femmes puniraient votre impertinence en vous faisant fermer leur porte.
“她以一个诉讼代理人和公证人向主顾解释诉讼方案或契约条文时的冷静态度来表达自己的意见。她的清脆迷人的声音没有显露任何感情;只有她那始终是高贵端庄的容貌和仪态,似乎给我一种外交场面上冷淡乏味的感觉。她一定是事先想好了她所要说的话,并且拟定了这场对话的情节。哦!我亲爱的朋友,当某些女人觉得撕碎我们的心,和决意用匕首在我们的心上戳一下,并在里面转一转,便能给她们带来快乐,那么,这种女人都是值得钟爱的,她们都是在恋爱或是希望被人爱!总有一天,她们会酬报我们的痛苦,象常人所说,上帝该会报答我们所做过的善事;她们将会给我们百倍的快乐以赔偿她们故意给我们受的痛苦:她们的凶狠难道不是充满激情的吗?但是,被一个对我们满不在乎的女人所折磨,以至于死,这难道不是一种酷刑吗?当时,馥多拉并不知道她是在践踏我的一切希望,粉碎我的生命和摧毁我的前途,就象一个儿童因为好奇而撕碎一只蝴蝶的翅膀,完全是出于一种无意识的冷酷和无辜的残忍心情。
“后来,馥多迎接着又说:‘我希望您将会认识到我献给我的朋友的牢固的感情。您也将会发现我对他们始终是友好和忠诚的。必要时我可以为他们牺牲性命。可是,如果我接受他们的爱情而不还报以爱情,您就会看不起我。因此,我对他们总是适可而止。您还是我愿意跟您说出这些心里话的唯一的男人。’
“起初,我不知该怎样回答她,而且,我也很难克制当时在我心中掀起的风暴;可是,不久我便把激动的心情抑制住了,于是,我微笑着说:
“‘如果我对您说我爱您,’我答道:‘您准会把我赶出去;如果我承认对您无动于衷,您就会惩罚我。神甫、法官和女人从来不会把他们的长袍全部脱掉。沉默并不说明任何问题;夫人,您觉得这样好,我就什么也不说。您肯向我提出这么友好的忠告,可是您害怕会失掉我,光是这个念头就可以满足我的自尊心了。但是让我们撇开个人问题不谈吧。您也许是唯一的女人,能够同我一起用哲学家的态度来讨论一个如此违反自然规律的决定。拿您来和您同类型的女人相比,您是一个不可思议的人物。好吧!就让我们怀着好意一起来寻找这种变态心理的原因吧。许多女人都很自傲,热爱自己体态的完美,您是否也象她们那样,有种过分讲究的自私情绪,使您一想到要嫁人就产生恐惧,担心被迫放弃自己的意志和屈从于一种与您格格不入的习惯势力?要是这样的话,我就觉得您更美丽一千倍!也许您在第一次恋爱的时候曾经受过虐待?也许您过分重视要保持您秀丽的身材,优美的胸脯,使您害怕做母亲带来的损失:难道这不就是您拒绝被人过分热爱的秘而不宣的最好理由吗?您是不是有什么发育不全的毛病,使您被迫成为贞洁自守的女人?……请您不要生气,我是在讨论问题,研究问题,离恋爱还远得很哩。大自然既能产生先天性的盲人,也就可以在爱情上产生聋、哑和盲目的女人。真的,您倒是医学上一个宝贵的研究对象!您还不完全知道自己本身的价值。您可以有很正当的理由来厌恶男人;我完全赞同您,我觉得他们都是些丑恶和讨厌的家伙。当然您是对的,’我补充说,感到心情沉重,‘您完全有理由蔑视我们,事实上没有一个男人配得上您!’
“我用不着把我笑着对她说的一切嘲弄的话语都告诉你。总之,所有最辛辣的语言,最尖刻的讽刺,都既不能引起她的任何动作,也不能使她做出一个恼怒的姿态。她在静听我说话,却始终在嘴唇上,在眼睛里保持着她惯常的微笑,这种微笑,对她来说,就象她穿在身上的衣服,而且不管是对她的朋友,一般的相识,或是陌生人,都始终报以同样的微笑。
“'我让您这样把我放在解剖台上,难道不是够和气的吗?’她抓住我停止说话、默默望着她的一刹那对我说。‘这您是明白的,’她一面笑着又说,‘我在友谊上并没有那种愚蠢的过分敏感。许多女人都会因为您这种无礼行为而处罚您:飨您以闭门羹。’