【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin (2.32)
La partie II. La Femme sans coeur
Combien de fois n'est-elle pas venue au milieu des silences de la nuit, évoquée par la puissance de mon extase ! Tantôt, soudaine comme une lumière qui jaillit, elle abattait ma plume, elle effarouchait la Science et l'Etude qui s'enfuyaient désolées ; elle me forçait à l'admirer en reprenant la pose attrayante où je l'avais vue naguère. Tantôt j'allais moi-même au-devant d'elle dans le monde des apparitions, et la saluais comme une espérance en lui demandant de me faire entendre sa voix argentine ; puis je me réveillais en pleurant. Un jour, après m'avoir promis de venir au spectacle avec moi, tout à coup elle refusa capricieusement de sortir, et me pria de la laisser seule. Désespéré d'une contradiction qui me coûtait une journée de travail, et, le dirai-je ? mon dernier écu, je me rendis là où elle aurait dû être, voulant voir la pièce qu'elle avait désiré voir.
A peine placé, je reçus un coup électrique dans le coeur. Une voix me dit : - Elle est là ! je me retourne, j'aperçois la comtesse au fond de sa loge, cachée dans l'ombre, au rez-de-chaussée. Mon regard n'hésita pas, mes yeux la trouvèrent tout d'abord avec une lucidité fabuleuse, mon âme avait volé vers sa vie comme un insecte vole à sa fleur. Par quoi mes sens avaient-ils été avertis ? Il est de ces tressaillements intimes qui peuvent surprendre les gens superficiels, mais ces effets de notre nature intérieure sont aussi simples que les phénomènes habituels de notre vision extérieure ; aussi ne fus-je pas étonné, mais fâché. Mes études sur notre puissance morale, si peu connue, servaient au moins à me faire rencontrer dans ma passion quelques preuves vivantes de mon système. Cette alliance du savant et de l'amoureux, d'une véritable idolâtrie et d'un amour scientifique, avait je ne sais quoi de bizarre. La Science était souvent contente de ce qui désespérait l'amant, et, quand il croyait triompher, l'amant chassait loin de lui la Science avec bonheur. Foedora me vit et devint sérieuse, je la gênais. Au premier entracte, j'allai lui faire une visite ; elle était seule, je restai. Quoique nous n'eussions jamais parlé d'amour, je pressentis une explication. Je ne lui avais point encore dit mon secret, et cependant il existait entre nous une sorte d'entente : elle me confiait ses projets d'amusement, et me demandait la veille avec une sorte d'inquiétude amicale si je viendrais le lendemain ; elle me consultait par un regard quand elle disait un mot spirituel, comme si elle eût voulu me plaire exclusivement ; si je boudais, elle devenait caressante ; si elle faisait la fâchée, j'avais en quelque sorte le droit de l'interroger ; si je me rendais coupable d'une faute, elle se laissait longtemps supplier avant de me pardonner. Ces querelles, auxquelles nous avions pris goût, étaient pleines d'amour. Elle y déployait tant de grâce et de coquetterie, et moi j'y trouvais tant de bonheur ! En ce moment notre intimité fut tout à fait suspendue, et nous restâmes l'un devant l'autre comme deux étrangers. La comtesse était glaciale ; moi, j'appréhendais un malheur.
- "Vous allez m'accompagner ", me dit-elle quand la pièce fut finie.
Le temps avait changé subitement. Lorsque nous sortîmes il tombait une neige mêlée de pluie. La voiture de Foedora ne put arriver jusqu'à la porte du théâtre. En voyant une femme bien mise obligée de traverser le boulevard, un commissionnaire étendit son parapluie au-dessus de nos têtes, et réclama le prix de son service quand nous fûmes montés. Je n'avais rien, j'eusse alors vendu dix ans de ma vie pour avoir deux sous. Tout ce qui fait l'homme et ses mille vanités furent écrasés en moi par une douleur infernale. Ces mots : - Je n'ai pas de monnaie, mon cher ! furent dits d'un ton dur qui parut venir de ma passion contrariée, dits par moi, frère de cet homme, moi qui connaissais si bien le malheur ! moi qui jadis avais donné sept cent mille francs avec tant de facilité ! Le valet repoussa le commissionnaire, et les chevaux fendirent l'air. En revenant à son hôtel, Foedora, distraite, ou affectant d'être préoccupée, répondit par de dédaigneux monosyllabes à mes questions. Je gardai le silence. Ce fut un horrible moment. Arrivés chez elle, nous nous assîmes devant la cheminée. Quand le valet de chambre se fut retiré après avoir attisé le feu, la comtesse se tourna vers moi d'un air indéfinissable et me dit avec une sorte de solennité :
- " Depuis mon retour en France, ma fortune a tenté quelques jeunes gens, j'ai reçu des déclarations d'amour qui auraient pu satisfaire mon orgueil, j'ai rencontré des hommes dont l'attachement était si sincère et si profond qu'ils m'eussent encore épousée, même quand ils n'auraient trouvé en moi qu'une fille pauvre comme je l'étais jadis. Enfin sachez, monsieur de Valentin, que de nouvelles richesses et des titres nouveaux m'ont été offerts ; mais apprenez aussi que je n'ai jamais revu les personnes assez mal inspirées pour m'avoir parlé d'amour. Si mon affection pour vous était légère, je ne vous donnerais pas un avertissement dans lequel il entre plus d'amitié que d'orgueil. Une femme s'expose à recevoir une sorte d'affront lorsque, en se supposant aimée, elle se refuse par avance à un sentiment toujours flatteur. Je connais les scènes d'Arsinoé, d'Araminte, ainsi je me suis familiarisée avec les réponses que je puis entendre en pareille circonstance ; mais j'espère aujourd'hui ne pas être mal jugée par un homme supérieur pour lui avoir montré franchement mon âme. "
“由于我对她一往情深的那股精神力量的召唤,不知有多少次在万籁无声的黑夜里,她来到我这儿!有时,她象一线突然射出的光辉打落了我的笔,她使我无可奈何地停止我的学术研究;她再次摆出了我以前见过的那种迷人的姿态,使我不得不崇拜她。有时,又是我本人亲自到幽灵界去迎接她,把她当做希望来向她致敬,向她要求能再听到她银铃般的声音;然后,我便哭着醒过来。有一天,她在答应和我去看戏之后,又突然闹起别扭,拒绝和我出去,要我让她一个人呆在家里。她的食言使我很失望,她让我白白浪费了一个工作日和可说是我的最后一个银币,为了想看看她所希望看到的那出戏,我索性到她可能要去的那个地方去。
“刚坐下来,我的心就受到一下象触电般的冲击。有一个声音对我说:‘她在这儿!’我猛一回头,瞥见伯爵夫人坐在二楼她的包厢的尽里面,隐藏在黑暗中,我的目光没有迟疑,我一眼就把她看得异常清楚,我的灵魂向她飞去,就象一只蜜蜂飞向它的花儿。我的感觉到底凭什么得到预示呢?某些内心的战栗会使浅薄的人感到惊异,其实,我们内部机能的这种作用,也正象我们的外界视觉所常有的现象一样简单;因此,我倒不觉得奇怪,只觉得生气。我对于很少为世人所注意的人类的精神力量的研究,至少能够使我在我的热恋中碰到一些有关我的理论体系的活的证据。这种学者和恋人的结合,是种真正的偶像崇拜和一种对科学的热爱,这其中有什么奇怪之处,我也不知道。科学常常对使恋人失望的事情感到满意,而当恋人相信自己胜利了的时候,他就会幸福地把科学驱逐出去。馥多拉看见了我,便摆出一副严肃的样子,我显然妨碍了她。在第一幕戏演完休息时,我到她包厢里拜访她;看到她只一个人,我便留在那儿陪她。尽管我们彼此之间从未谈过爱,我却预感到会有表明心迹的机会。我还一点没有向她泄露我心中的秘密,然而,我们之间早已存着某种期持:她常常把她的娱乐计划告诉我,而且总是在前一天晚上以一种友好的或担心的神情问我第二天是不是来看她,当她说了句俏皮话后,总爱用一个眼神来征求我的同意,好象她是特地为讨我的喜欢;要是我赌气,她就变得特别逗人喜爱;要是她装作生气的样子,我就觉得有某种权利来质问她为什么生气;要是我自己犯了什么错误,她就让我向她苦苦求饶,才肯宽恕我。对这类小别扭,我们已经发生兴趣,觉得充满了爱情。她在这方面不惜尽力卖弄她的柔情和娇媚,我嘛,只觉得在这温柔乡里享受到无穷的幸福!而目前这个时刻,我们的亲密关系是完全中断了,我们彼此相对就象两个陌生人。伯爵夫人冷若冰霜,我嘛,害怕大难临头。
“‘您陪我回家吧,’戏散场后她对我说。
“天气突然变了。当我们从戏院出来的时候,天上落下夹着雨的雪花。馥多拉的马车不能一直驶到戏院大门。一个街上的帮闲人,看到一位衣着华贵的妇人不得不步行穿过街道,便前来张开他的雨伞为我们挡雪,当我们上马车的时候,他便向我们要小费,而我却身无分文,当时我真愿意出卖我十年的寿命来换取两个铜子。所有男子汉大丈夫的气概和虚荣心,都在我身上被一种可怕的痛苦所压倒了。‘亲爱的朋友,我没有零钱!’这两句话似乎是来自我的受挫折的爱情,被用冷酷的声调,由我自己,这个人的患难兄弟,亲口说出来的!而我本人对不幸又是深有体会的!想当初,我一下子给人七十万法郎,是何等的轻而易举,仆人把那帮闲的推开,马儿便疾驰而去。在返回她的府邸的路上,馥多拉显得没精打采,或者装做有什么心事的样子,对我的问话仅报以轻蔑的支吾之词。我只好沉默下来。这是一个令人难堪的时刻。回到她家里,我们便坐在壁炉前面。当仆人把炉火弄旺,退出去后,伯爵夫人便转身对着我,脸上显出一副无法捉摸的神情,用一种庄严的语调对我说:
“‘自从我回到法国,我的财产曾经引起几个青年人的垂涎;我听过一些也许可以满足我的虚荣心的爱情的表白;我也遇到过一些既十分真诚又十分深情的男子,他们即使一旦发现我也许已是一个贫穷女子,象我以前那样,他们也仍然愿意娶我的。总之,德·瓦朗坦先生,您该明白,曾经有过一些人向我奉献过新的财富和新的贵族头衔;可是,您也不妨了解一下,对于那些很不知趣的来和我谈情说爱的人,我是从来不愿再见他们一面的。要是我对您的交情不深,我就不会给您这样一个出于友谊多于来自骄傲的警告了。要是一个女人自认为被人所爱,自己却预先拒绝别人对她讨好的心意,那她就有招致侮辱的危险。我知道阿尔西诺艾和阿拉曼特①的情节,因此,在同样情况下所能听到的回答,对我来说也并非陌生;但我希望今天不至于因为我对一个高尚的男人坦白地表明了自己的心迹而遭到误解。’
①阿尔西诺艾是莫里哀的喜剧《恨世者》中的凶恶老妇人的典型。阿拉曼特是十八世纪许多戏剧中的人物,这里大约是指马里沃的喜剧《假机密》中一位可爱的寡妇。她不自觉地爱上了自己的管家。