【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin (2.41)
La partie II. La Femme sans coeur
Nous vîmes la comtesse, brillante dans un brillant équipage. La coquette nous salua fort affectueusement en me jetant un sourire qui me parut alors divin et plein d'amour. Ah ! j'étais bien heureux, je me croyais aimé, j'avais de l'argent et des trésors de passion, plus de misère. Léger, gai, content de tout, je trouvai la maîtresse de mon ami charmante. Les arbres, l'air, le ciel, toute la nature semblait me répéter le sourire de Foedora. En revenant des Champs-Elysées, nous allâmes chez le chapelier et chez le tailleur de Rastignac. L'affaire du Collier me permit de quitter mon misérable pied de paix, pour passer à un formidable pied de guerre. Désormais je pouvais sans crainte lutter de grâce et d'élégance avec les jeunes gens qui tourbillonnaient autour de Foedora. Je revins chez moi. je m'y enfermai, restant tranquille en apparence, près de ma lucarne ; mais disant d'éternels adieux à mes toits, vivant dans l'avenir, dramatisant ma vie, escomptant l'amour et ses joies. Ah ! comme une existence peut devenir orageuse entre les quatre murs d'une mansarde ! L'âme humaine est une fée, elle métamorphose une paille en diamants ; sous sa baguette les palais enchantés éclosent comme les fleurs des champs sous les chaudes inspirations du soleil.
Le lendemain, vers midi, Pauline frappa doucement à ma porte et m'apporta, devine quoi ? une lettre de Foedora. La comtesse me priait de venir la prendre au Luxembourg pour aller, de là, voir ensemble le Muséum et le jardin des Plantes.
- " Un commissionnaire attend la réponse ", me dit-elle après un moment de silence.
Je griffonnai promptement une lettre de remerciement que Pauline emporta. Je m'habillai. Au moment où, assez content de moi-même, j'achevais ma toilette, un frisson glacial me saisit à cette pensée :
Foedora est-elle venue en voiture ou à pied ? pleuvra-t-il, fera-t-il beau ? Mais, me dis-je, qu'elle soit à pied ou en voiture, est-on jamais certain de l'esprit fantasque d'une femme ? elle sera sans argent et voudra donner cent sous à un petit Savoyard parce qu'il aura de jolies guenilles.
J'étais sans un rouge liard et ne devais avoir de l'argent que le soir. Oh ! combien, dans ces crises de notre jeunesse, un poète paie cher la puissance intellectuelle dont il est investi par le régime et par le travail ! En un instant, mille pensées vives et douloureuses me piquèrent comme autant de dards. Je regardai le ciel par ma lucarne, le temps était fort incertain. En cas de malheur, je pouvais bien prendre une voiture pour la journée ; mais aussi ne tremblerais-je pas à tout moment, au milieu de mon bonheur, de ne pas rencontrer Finot le soir ? je ne me sentis pas assez fort pour supporter tant de craintes au sein de ma joie. Malgré la certitude de ne rien trouver, j'entrepris une grande exploration à travers ma chambre, je cherchai des écus imaginaires jusque dans les profondeurs de ma paillasse, je fouillai tout, je secouai même de vieilles bottes. En proie à une fièvre nerveuse, je regardais mes meubles d'un oeil hagard après les avoir renversés tous. Comprendras-tu le délire qui m'anima, lorsqu'en ouvrant pour la septième fois le tiroir de ma table à écrire que je visitais avec cette espèce d'indolence dans laquelle nous plonge le désespoir, j'aperçus collée contre une planche latérale, tapie sournoisement, mais propre, brillante, lucide comme une étoile à son lever, une belle et noble pièce de cent sous ? Ne lui demandant compte ni de son silence ni de la cruauté dont elle était coupable en se tenant ainsi cachée, je la baisai comme un ami fidèle au malheur et la saluai par un cri qui trouva de l'écho. Je me retournai brusquement et vis Pauline devenue pâle.
- " J'ai cru, dit-elle d'une voix émue, que vous vous faisiez mal. Le commissionnaire... Elle s'interrompit comme si elle étouffait. Mais ma mère l'a payé ", ajouta-t-elle.
Puis elle s'enfuit, enfantine et follette comme un caprice. Pauvre petite ! je lui souhaitai mon bonheur. En ce moment, il me semblait avoir dans l'âme tout le plaisir de la terre, et j'aurais voulu restituer aux malheureux la part que je croyais leur voler. Nous avons presque toujours raison dans nos pressentiments d'adversité, la comtesse avait renvoyé sa voiture. Par un de ces caprices que les jolies femmes ne s'expliquent pas toujours à elles-mêmes, elle voulait aller au jardin des Plantes par les boulevards et à pied.
- " Mais il va pleuvoir ", lui dis-je.
Elle prit plaisir à me contredire. Par hasard, il fit beau pendant tout le temps que nous marchâmes dans le Luxembourg. Quand nous en sortîmes, un gros nuage dont la marche excitait mon inquiétude, ayant laissé tomber quelques gouttes d'eau, nous montâmes dans un fiacre. Lorsque nous eûmes atteint les boulevards, la pluie cessa, le ciel reprit sa sérénité. En arrivant au Muséum, je voulus renvoyer la voiture, Foedora me pria de la garder. Que de tortures ! Mais causer avec elle en comprimant un secret délire qui sans doute se formulait sur mon visage par quelque sourire niais et arrêté ; errer dans le jardin des Plantes, en parcourir les allées bocagères et sentir son bras appuyé sur le mien, il y eut dans tout cela je ne sais quoi de fantastique : c'était un rêve en plein jour. Cependant ses mouvements, soit en marchant, soit en nous arrêtant, n'avaient rien de doux ni d'amoureux, malgré leur apparente volupté. Quand je cherchais à m'associer en quelque sorte à l'action de sa vie, je rencontrais en elle une intime et secrète vivacité, je ne sais quoi de saccadé, d'excentrique. Les femmes sans âme n'ont rien de moelleux dans leurs gestes. Aussi n'étions-nous unis, ni par une même volonté, ni par un même pas. Il n'existe point de mots pour rendre ce désaccord matériel de deux êtres, car nous ne sommes pas encore habitués à reconnaître une pensée dans le mouvement. Ce phénomène de notre nature se sent instinctivement, il ne s'exprime pas.
“我们看见伯爵夫人坐在她华丽的马车里,容光焕发,神采照人。这妖媚的女人挺热情地和我们打招呼,还对我嫣然一笑,当时我觉得这微笑是神圣的,并且充满爱情。啊!我是多么幸福呵!我相信已被她爱上,我已有钱,又有爱情的宝藏,穷苦的日子一去不复返了!我感到轻松,心情愉快,一切都满意,我觉得我朋友的情人也很迷人。树木,空气,天空,整个大自然似乎都象馥多拉那样在向我微笑。再回到爱丽舍田园大道时,我们顺便到拉斯蒂涅平常买衣帽的帽店和裁缝店去。‘项链事件’使我脱离了穷苦的和平生活,而转入了可怕的斗争生活。从今以后,我可以毫无顾虑地在风雅和奢华方面与那批环绕在馥多拉身边的青年人比一比高低了。我回到自己家里后,反锁上房门,表面上保持冷静,对着天窗,向我的屋顶作永远的告别,我沉溺在未来生活的梦幻里,把生活尽量变得戏剧化,预先盘算着如何享受爱情和它的种种乐趣。啊!在家徒四壁的阁楼里,生活竟然也能够沸腾起来!人类的灵魂真是个精灵,它能把一根稻草变成金刚钻;在它的魔杖指挥下,迷人的宫殿出现在眼前,就象田野里的花儿,一朵朵在太阳热力的烘暖下绽开那样……
“第二天,近中午的时候,波利娜轻轻叩我的房门,给我带来一样东西,你猜猜是什么?原来是馥多拉写的一封信。伯爵夫人请我到卢森堡公园接她,并从那儿一道去参观博物馆和植物园。
“‘送信人在等候回音,’她略微沉默了一会儿后对我说。
“我草草写了一封回信,表示谢意,把它交给波利娜,然后,我穿上衣服。正当装束完毕,对自己相当满意的时候,忽然想到如下的问题,身上不禁冷了半截:
“'馥多拉到底是坐车子来,还是走路来?天将会下雨,还是仍然晴朗?……’但是,我心想,不管她是坐车来还是步行来,难道有谁能猜透一个女人的怪诞思想吗?她也许身上不带一文钱,却愿意赏给一个萨瓦省小孩五个法郎,因为他的衣衫实在破烂。
“我身上一个铜子也没有,要到晚上才能收到一笔款子。噢!在我们青年时代,象这类困境不知道有多少,一个诗人要使自己的才智获得充分发展,就得付出高昂的代价,就得节衣缩食,辛勤工作!霎时间,无数剧烈的痛苦思想涌上心头,就象万箭穿心那样。我从天窗仰望长空,看到天气很不可靠。万一天气真要变坏,我当然可以雇一辆整天包用的马车;但与此同时,我在快乐的时候岂不要时刻担心晚上找不到斐诺?我自认没有能耐在快乐的时刻来负担这么多恐惧。尽管我明知不会找到任何东西,我却决心在我房间里大加搜索,寻找我幻想中的银币,我连褥子底下都翻到了,我搜遍一切,甚至破旧的长靴筒子都去摇一摇。我神经紧张,象发了疯,我用凶暴的眼光瞪着所有被?倒了的家具。我怀着由于绝望而颓丧的心情,走到书桌跟前,第七次打开怞屉,瞥见紧贴在侧面板上,陰险地躲藏着一枚五法郎的银币,它洁净而辉煌,美丽而高贵,象初现的明星般闪亮。当时我那种疯狂的激动情形,你能够了解吗?我既不想追究它默不作声地躲藏起来的原因,也不愿斥责它如此狠心地躲藏起来的罪过,反而象对一位患难之交的朋友般吻它,向它大声欢呼,以致发出回响。我猛然回过身来,瞥见波利娜面色发青地站在那里。
“'我以为,’她声音激动地说,‘以为您出了什么事了!那送信人……(她停住不说,象是喘不过气来似的。)我母亲已把小费给他了,’她又添上一句。
“随后,她就跑开了,那幼稚和有点疯狂的样子,简直莫名其妙。可怜的小姑娘!我祝愿她和我一样幸福。在这时候,我似乎感到心中充满了人世间的一切欢乐,我真愿意给不幸的人们退回他们应得的那部分欢乐,因为我相信他们失去的欢乐正是被我偷走了的。我们对灾祸的预感常常是有道理的,伯爵夫人把她的马车打发走了。那是一种心血来潮,是漂亮女人们的奇想,连她们自己也常常无法解释,她要从林荫大道上步行去植物园。
“‘可是,天快要下雨了,’我对她说。
“她却喜欢跟我闹别扭。在我们步行穿过卢森堡公园时,出乎意外,天气很晴朗。当我们走出公园门外,使我担心的一团乌云却正卷得飞快,而且滴下了几滴雨水,于是我们登上了一辆街车。当我们走过几条马路后,雨已停止,天空又晴朗了。到达博物馆时,我打算把马车打发走,馥多拉却要我把车子留下。我只得暗暗叫苦!可是,一面跟她聊天,一面却要抑制心中不可告人的热狂,这一来,无疑会在我的脸上露出某种呆板的微笑;就这样,我们边谈边走,毫无目的地在植物园的林荫小道上漫步,感到她的胳膊紧靠着我的胳膊,这一切都使我莫名其妙,只觉事情十分荒诞,简直是在白昼做梦。然而,无论是在走路时,还是在停步时,她的动作,都既没有温柔,也没有热恋,尽管表面上有肉感。当我设法在某种意义上参与她的生活时,我在她身上碰到了一种内在的,隐秘的活力,我也不清楚这是种什么离奇古怪的力量。一切没有灵魂的女人,在她们的举止上,都没有一点柔和之处。因此,我们和她们的结合,既不是由于同样的意志,也不是出于同样的步伐。世上还不存在这样的字眼,足以说明两个人之间的这种有形的矛盾。因为,我们还不习惯于从一个动作来了解对方的思想。这种人性中不可捉摸的现象,只能凭本能去感觉,而不是言语所能表达的。”