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XIV VIE DE PROVINCE

时间:2020-09-30来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:La vie de province garde encore en Angleterre une intensit et une vitalit extrmes; et c'est l, mieux encore qu' Londres
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 La vie de province garde encore en Angleterre une intensité et une vitalité extrêmes; et c'est là, mieux encore qu'à Londres qu'on peut arriver à bien pénétrer les mœurs anglaises avec leurs singularités, leurs anomalies, la cruauté de leurs lois surannées, et ce mélange unique de liberté et de tyrannie qui est le fond même des institutions anglaises.
 
Et d'abord, on est frappé du double aspect de routine et de modernité, la vie[Pg 282] contemporaine s'est greffée sur la vie ancienne sans en altérer le caractère primitif. Le cadre n'a pas changé, il est ce qu'il était il y a cent ans; la littérature anglaise possède dans les romans célèbres de miss Austen des documents de premier ordre sur l'existence provinciale au commencement de ce siècle, et les modifications apportées depuis par le temps résident uniquement dans les nuances, mais les grandes lignes sont identiques, les personnages n'ont pas varié; c'est la même hiérarchie sociale, et, ce qui est le plus curieux, les relations relatives des individus sont restées ce qu'elles étaient. Rien n'est vieilli, tout est admirablement conservé, l'ordre tranquille qui a gouverné toutes choses, et la force militante[Pg 283] de la tradition ont imprimé un cachet si fort à la race, que dans ces milieux absolument anglais, on s'aperçoit que même physiquement le type des hommes est resté singulièrement semblable à lui-même, c'est que dans son intrinsèque, l'être humain n'a pas changé. Prenez des gravures sportives du commencement de ce siècle, regardez ces visages rasés, ces traits nets; puis, assistez, par exemple, dans une petite ville de Surrey au départ du «coach» pour Londres; la restitution du passé est complète, ce sont les mêmes hommes, les mêmes gestes; à peu de choses près les mêmes silhouettes, on se croirait à quatre-vingts ans en arrière! et toute l'atmosphère ambiante est à l'unisson; le «coach» part devant l'hôtel du[Pg 284] Chevreau blanc, c'est l'«Inn» cossue et provinciale dont le modèle façonné sur les anciens usages s'est conservé intact avec son énorme «Bar» et son «Parloir» reluisant et chaud caché derrière le «Bar» tout cela d'une sorte de respectabilité hypocrite d'un genre spécial.
 
La vie est un peu lourde et lente, mais puissante. Il existe, en Angleterre, une grande caste intermédiaire qui ne fraie jamais avec ce qu'on appelle les «County Families», mais dont les membres groupés généralement aux alentours d'une petite ville prospère, possèdent de belles maisons, des parcs verdoyants, des serres recherchées. Ce sont le plus souvent des enrichis, enclins à une hospitalité fastueuse, et c'est grâce à eux que[Pg 285] le commerce des petites villes demeure florissant; la ville elle-même n'est généralement habitée que par une bourgeoisie inférieure, les commerçants locaux, les docteurs et les hommes de loi, chacun dans sa sphère s'associe aux affaires de la communauté, il n'est pas dans le caractère de l'Anglais ni d'être passif, ni de se désintéresser de ce qui l'entoure; aussi dans une petite ville de province de mince importance, trouvera-t-on des rues bien tenues, des policemen massifs, des jardins publics pleins de fleurs, des expositions utilitaires fréquentes; et l'hiver des cours du soir variés, bref, tout le courant de l'existence moderne qui semble cependant ne rien déplacer. Même le voisinage relatif de[Pg 286] Londres, et la facilité énorme des communications ne tarit pas la sève de ces petites villes de province; l'Anglais n'aime pas la ville en tant que «capitale», les personnalités s'affirment mieux dans des cadres restreints et la ville de province est le terrain le plus propice à l'indépendance et à la prospérité bourgeoise. L'émulation existe toujours active, non pas seulement entre gens d'opinions politiques adverses, mais entre les membres des différentes sectes religieuses, toutes remuantes et ambitieuses, et notez, que dans une seule petite ville de province, j'ai compté jusqu'à sept églises ou chapelles appartenant à des dénominations diverses, depuis le High Church qui n'est qu'un catholicisme honteux, jusqu'aux Quakers.
 
[Pg 287]
 
Elles ont disparu à Londres, mais on les rencontre encore dans les villes de province ces tranquilles Quakeresses, habillées de leurs vêtements à coupe surannée, aux couleurs de colombe. Revêches et compassées, elles ont néanmoins une certaine saveur, et une modestie féminine bien appréciable dans un pays où de moins en moins cette qualité est de mode.
 
Ces Quakers qui ne parlent jamais haut, qui ne se fâchent point, qui enseignent la patience à leurs enfants, comme on enseigne l'alphabet, et qui sont toujours riches, incarnent bien cette spiritualité matérielle qui a régné souverainement en Angleterre, mais qui tend de plus en plus à disparaître, balayée par un double courant[Pg 288] de réveil religieux d'une part et d'athéisme de l'autre.
 
Le péril, du reste, est signalé, car, en outre de ces facilités spirituelles locales et permanentes, on rencontre dans les villes de province, le «Protestant Van», roulotte ambulante, farcie de bons livres et de «tracts» mettant en garde contre la grande «Prostituée de l'Apocalypse!»
 
Dans les villes de province, pas de quartier aristocratique; la noblesse, et la classe de gentlemen égaux à la noblesse par l'ancienneté de la descendance et la possession de vastes domaines, habitent ses terres et y exercent encore une véritable féodalité. Car il faut bien s'en rendre compte, en Angleterre, la liberté est surtout personnelle, la grande masse du[Pg 289] peuple anglais demeure encore sous le double joug de l'aristocratie de naissance et de la puissance de l'argent, et l'état des lois permet d'étendre très loin le pouvoir que confèrent ces deux autorités.
 
L'impossibilité de posséder la terre réduit le laboureur anglais (labourer), car de paysan proprement dit il n'y en a pas, à un véritable servage. Des villages entiers dépendent absolument du grand propriétaire auquel tous les cottages appartiennent, qui les loue comme il veut, à qui il veut et aux conditions qu'il veut. Tantôt ce propriétaire sera indifférent ou absent, et ne s'inquiétera que de recevoir régulièrement ses loyers; l'agent, alors, est maître absolu, il pressure plus ou moins et une plainte procure généralement,[Pg 290] un congé, ce qui équivaut pour la plupart des tenanciers pauvres à l'impossibilité absolue de se loger.
 
Tantôt le propriétaire est généreux et consciencieux, sans que néanmoins en l'état des mœurs, la dignité personnelle et surtout l'indépendance des tenanciers en soient beaucoup rehaussées. Les cottages (et c'est déjà énorme assurément), seront des cottages modèles, loués à très bas loyers, mais dans ce marché, la liberté individuelle n'entre pas en ligne de compte. Les conditions d'habitation sont réglées arbitrairement sans discussion possible, toute location revêt l'aspect d'une faveur presque d'une aumône. On ne peut, par exemple, habiter plus d'un certain nombre de personnes, il est défendu de prendre[Pg 291] des locataires, etc. Je citerai deux faits très simples qui sont tombés sous mon observation personnelle et feront bien comprendre les relations de propriétaire à locataire; ils se sont, du reste, passés sur l'Estate d'un propriétaire philanthrope avec ostentation:
 
Un cottage est habité depuis des années, par une femme veuve depuis peu, et ses deux enfants adultes; ce sont, à tous les points de vue des tenanciers modèles, toujours prêts avec leur loyer, et ils se figurent que puisqu'ils paient une somme librement consentie, ils sont chez eux; vous allez voir comment le propriétaire l'entend: un beau matin, l'agent vint dire à la veuve que pour obliger lord X..., on la prie d'accepter de prendre comme locataire[Pg 292] un jeune garde qu'on ne sait où loger, son mari étant mort, on a jugé qu'elle devait avoir trop de place. Que cela plaise ou non, il faut se soumettre; et ces gens jaloux de la réclusion de leur vie familiale ne peuvent songer à discuter, refuser serait s'exposer à se voir enlever le cottage, le locataire de lord X... est donc accepté!
 
Voici l'autre cas: une jeune femme vient faire ses couches chez sa mère; la pauvre créature, au lieu de se remettre dans le délai réglementaire comme elle aurait dû, traîne en longueur; au bout de quelques semaines, l'agent arrive rappeler qu'on est trop nombreux dans la maison. La mère proteste et demande ce que dirait[Pg 293] lady X..., si on lui suggérait de renvoyer sa fille malade? mais cependant, elle se tient pour avertie, et l'accouchée s'en ira.
 
Il y a là évidemment un arbitraire dont nous ne connaissons plus d'exemples, et un ordre de choses qui s'accorde mal avec l'éducation obligatoire dont on gave les jeunes générations. Dans la vie anglaise, telle qu'elle est organisée actuellement, la dépendance de toute une classe demeure complète, et se fait sentir même dans les plus louables efforts, pour améliorer le sort des tenanciers. Ainsi dans beaucoup de villages, les femmes de clergymen tiennent un «clothing club» (club d'habillement), il est matériellement très avantageux d'en faire partie, mais la[Pg 294] présidente se réserve le droit de juger si les membres s'habillent selon leur station, et une infraction à son point de vue peut amener la radiation de la personne assez osée pour s'émanciper par des affiquets jugés inconvenants!
 
Il arrive qu'un propriétaire désireux de propager le mouvement de tempérance, chose excellente assurément, fera disparaître sur son «Estate» souvent à de grands sacrifices, les Public Houses, et les remplacera par des espèces de cafés, où tout sera meilleur, et à meilleur marché pour le consommateur, mais où, en même temps, le propriétaire est chez lui, et où il ne ferait pas bon, au point de vue des faveurs à espérer, d'exprimer des opinions[Pg 295] politiques opposées aux siennes. Or, tout est faveur; une des plus convoitées et qui dépend uniquement du bon vouloir du propriétaire est la possession d'un Allotment, c'est-à-dire un lot de terre loué au tenancier et qu'il pourra cultiver pour son propre compte, mais soit pour l'obtenir, soit pour se le voir retirer, il demeure absolument à la merci du propriétaire ou de l'agent, car, point de bail, et les clauses de location sont telles qu'il suffit d'un bien léger prétexte pour qu'un homme soit, sans appel possible, dépossédé de la terre qu'il a fécondée par son labeur; et notez qu'en Angleterre, le salaire habituel des labourers est de onze shillings (douze francs cinquante) par semaine, et qu'on retient la paie quand il pleut, que pour[Pg 296] la moisson, on traite à forfait, et que les ducs les plus opulents s'abaissent par l'intermédiaire de leurs agents, à de véritables marchandages et arrivent à réduire le salaire des moissonneurs de dix livres (deux cent cinquante francs) à huit livres sept shillings.
 
On ne peut s'étonner que dans de telles conditions, et sans amélioration à espérer, la jeunesse en masse ne déserte les villages; un à un, les jeunes hommes s'en vont à la ville, car onze shillings de gages pour élever une famille et le Work-House pour la vieillesse, ne constituent pas une perspective attrayante. Et en même temps que la terre reste inaccessible à ceux qui la cultivent, les anciens[Pg 297] droits communaux qui leur en réservaient librement une parcelle, tombent en désuétude ou plutôt sont ignorés par les propriétaires. C'est un fait notoire que tous les jours de grands propriétaires s'annexent une partie des «commons» qui étaient le patrimoine du pauvre en Angleterre, et qui vont toujours diminuant.
 
Le procédé est simple, on commence par planter sur la partie convoitée un poteau défendant de passer, puis un peu plus tard vient une haie, puis une palissade, et le tour est joué! D'autres fois, les propriétaires prennent la peine de solliciter du «Board» du District la permission de s'adjoindre tel ou tel morceau de terre inculte, et ce Board qui n'a aucun droit de[Pg 298] le faire, l'accorde généreusement et le refuserait avec entrain à des laboureurs qui auraient l'insolence de convoiter cette terre inculte.
 
De recours contre ces abus, il n'y a point de la part du faible, par l'excellente raison que la justice est rendue par ces mêmes propriétaires! car la qualité de magistrat «Justice of Peace: J. P.» qui n'est pas rétribuée se confère uniquement à des notabilités respectables: propriétaires, clergymen, etc. Nulle qualification légale n'est nécessaire, on naît apparemment Justice of Peace comme on naît rôtisseur! Aussi les sentences rendues journellement en Angleterre sont-elles scandaleuses! Pour ces magistrats provinciaux, le vieil adage de droit normand: Corps d'homme[Pg 299] est plus digne chose qu'héritage, n'a pas cours; les délits contre la propriété sont punis avec une sévérité très supérieure à celle qui dicte les sentences pour offenses contre les personnes! Il est beaucoup meilleur marché de rouer abominablement de coups sa vieille mère, ou, avec un marteau, d'assommer un homme jusqu'à incapacité de travail, que de braconner pour la première fois dans un champ, étant un peu pris de boisson ou de voler neuf pommes. Pour les premiers délits on s'en tire avec une amende d'une livre et une de quinze shillings. Pour les autres, les mêmes magistrats, le même jour, car là est le fait révoltant, infligeront un mois de prison et six semaines de Hard labour (dur labeur)! Un vagabond ayant[Pg 300] couché dans un fossé (il est vrai que c'est une récidive), s'entend condamner à deux mois de Hard Labour!
 
On ne sait qu'admirer plus ou de la sottise ou de la cruauté d'une pareille sentence, car enfin voilà la communauté chargée pendant deux mois d'un homme qui n'a commis qu'un délit imaginaire. Le danger de cet arbitraire serait grand partout, mais il l'est doublement dans un pays où les lois les plus contraires à notre état actuel de civilisation ne sont pas abrogées; ainsi il serait à la rigueur possible à un County Court d'appliquer pour vagabondage ou mendicité une loi comme celle-ci: 5 George IV cap. 83. 3 et 4. «Emprisonnement et Hard Labour jusqu'à la prochaine session, quand ils[Pg 301] pourront être de nouveau emprisonnés pour un an et fouettés.»
 
Le Truth publie chaque semaine un Pilori légal dont les révélations douloureuses atteignent parfois à un côté presque comique par l'état d'esprit qu'elles dénotent chez les membres de cette classe privilégiée pour qui le don de rendre la justice est supposé être une qualité infuse. Les exemples et les citations pourraient se multiplier à l'infini, je ne veux que signaler un état de choses assez généralement ignoré en France, état de choses qui durera aussi longtemps que la loi ne sera pas rendue par des magistrats qualifiés, rétribués et inamovibles.
 
L'Angleterre, si fière à juste titre de ses juges, se contente pour sa Justice de[Pg 302] Paix d'une magistrature grotesque et d'autant plus dangereuse que les lois ont cessé d'être d'accord avec les mœurs; et de cette situation naîtra indubitablement un conflit. L'incohérence est le trait dominant de l'heure présente, les fictions sociales sont de moins en moins respectées et la perturbation est profonde, une partie de la nation anglaise a perdu contact avec la grande majorité de ses concitoyens, cette avant-garde téméraire et bruyante a répudié pour n'y plus revenir le vieil esprit conservateur et hypocrite, et c'est tant pis, car elle était fort belle dans son ensemble, cette vie anglaise, à façade si décorative, et malgré tout rien n'affermit les âmes comme d'être bandées continuellement pour un[Pg 303] effort, celui de vouloir toujours paraître digne et vertueux était assurément considérable; on l'a mis de côté comme trop fatigant.
 
J'ose dire, quoi qu'il en paraisse, que la question sociale est bien plus aiguë en Angleterre qu'en France, et elle revêt un caractère tout particulier par suite du rôle pris par les femmes; peu à peu, elles sont en train d'enlever aux hommes leur «gagne-pain», la situation devient une arme à deux tranchants: les hommes, dont la concurrence féminine fait baisser les salaires d'une façon désastreuse, se marient de moins en moins, et, conséquence logique, un nombre toujours croissant de femmes se voient contraintes[Pg 304] à gagner leur vie, et luttent pour entrer dans toutes les professions! Habile qui résoudra ce problème. Pour moi, il est évident qu'à l'heure présente l'esprit masculin est chez les Anglais, pour une raison quelconque, beaucoup plus retardataire que l'esprit féminin, l'agitation réelle se fait par les femmes; elles ont accepté d'une façon anticipée la possibilité d'un nouvel état de choses, et à l'heure fatidique, ce seront elles, et parmi les plus riches et les mieux nées qui iront au-devant de toutes les réformes,—je ne loue pas, je constate.
 
De deux choses l'une, ou la femme aime son oppression, ou elle la hait, et en Angleterre, une élite a adopté ce dernier parti et éprouve une sorte de solidarité[Pg 305] avec les classes opprimées. De toutes façons les femmes désertent leur poste séculaire, une génération s'élève qui est le contrepied de celles qui l'ont précédée, et cette génération fera parler d'elle.
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