DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE XI JINPING À LA CONFÉRENCE COMMÉMORANT LE CINQUANTENAIRE DES RELATIONS DIPLOMATIQUES ENTRE LA CHINE ET LA FRANCE
(Paris, 27 mars 2014)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous, à Paris, en cette belle saison printanière pour célébrer ensemble le cinquantenaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Je voudrais tout d'abord exprimer, au nom du gouvernement et du peuple chinois et en mon nom personnel, mes salutations cordiales et mes meilleurs vœux à vous tous, et à travers vous, au peuple français ami et à tous ceux qui ont œuvré depuis longtemps à la promotion de l'amitié sino-française.
Nous sommes à un grand moment charnière pour la relation entre nos deux pays. Aujourd'hui en visite en France, je voudrais partager avec vous les beaux souvenirs du gouvernement et du peuple chinois de l'amitié entre les deux peuples et de vous transmettre leur volonté sincère d'approfondir le partenariat global stratégique sino-français.
« Quand vous buvez de l'eau, n'oubliez jamais ceux qui ont creusé le puits. » En ce moment précis, nos pensées vont aux deux grands hommes visionnaires - le Président Mao Zedong et le Général de Gaulle qui, il y a 50 ans, en pleine guerre froide, ont pris la décision historique d'établir des relations diplomatiques au niveau d'ambassadeur entre la Chine et la France. Ce geste qui a ouvert la porte à la connaissance mutuelle et aux échanges entre Chinois et Français, et aussi entre Chinois et Occidentaux, a noué entre ces deux grands pays une relation particulière qui figure depuis lors à la pointe des relations entre la Chine et les principaux pays développés de l'Occident.
50 ans se sont écoulés. Nos deux pays et nos deux peuples ont cultivé ensemble dans le développement de leur relation un esprit d'indépendance, de compréhension mutuelle, de clairvoyance et de coopération gagnant-gagnant, esprit qui sera très important pour nous guider dans notre marche vers un plus bel avenir de cette relation.
- L'indépendance, c'est le caractère commun aux nations chinoise et française. La Chine et la France sont deux vieilles nations dotées chacune d'une civilisation particulière. Nées dans les bassins de leurs fleuves nourriciers, le fleuve Jaune et le Chang Jiang pour l'une, la Loire et le Rhône pour l'autre, elles ont longtemps joué un rôle moteur dans le développement des civilisations de leurs régions. Les idées des grands maîtres chinois comme Laozi, Confucius, Mozi, Mencius et Zhuangzi ont, de nos jours encore, une valeur universelle, tandis que les pensées des illustres philosophes français demeurent un trésor intellectuel de toute l'humanité. Dans l'ère moderne, nos deux pays ont tous vécu des périodes de souffrances, de guerres et de recherche difficile de modèles de développement et trouvé des voies adaptées à leurs réalités nationales. Nous poursuivons tous une politique extérieure d'indépendance et refusons de nous laisser entraîner par le tourbillon du monde. Nous préconisons tous le multilatéralisme, la multipolarisation et la démocratisation des relations internationales et y travaillons avec détermination.
- La compréhension mutuelle, c'est le fondement essentiel du développement de la relation sino-française. Le Général de Gaulle disait il y a 50 ans : « Qui sait si les affinités qui existent notoirement entre les deux nations pour tout ce qui a trait aux choses de l'esprit, compte tenu du fait qu'elles se portent, dans leurs profondeurs, sympathie et considérations réciproques, ne les conduira pas à une croissante coopération culturelle ? » C'est vrai. Les cultures spécifiques des deux pays fascinent leurs peuples réciproques. Il y avait, dans l'histoire de la France, un engouement pour la culture chinoise, et on en trouve des traces chez les philosophes des Lumières et dans les décorations du Château de Versailles. De même, les chefs-d'œuvre des écrivains et artistes français sont très appréciés du public chinois. Depuis l'établissement des relations diplomatiques il y a 50 ans, nos deux pays et nos deux peuples se sont traités dans un esprit de respect, de confiance et d'égalité, jetant ainsi la base d'une relation solide et durable.
De nombreux dirigeants de la vieille génération du Parti communiste chinois, vous le savez, ont fait des études en France. Zhou Enlai, Deng Xiaoping, Cai Hesen, Chen Yi et Nie Rongzhen, pour ne citer que les noms les plus illustres. C'est pour cette raison que dès mon jeune âge, je m'intéresse beaucoup à la culture, à l'histoire, à la philosophie, à la littérature et à l'art français. Une plongée dans l'histoire moderne et contemporaine de la France, notamment dans l'histoire de la Révolution française, a approfondi ma réflexion sur les lois de l'évolution politique de la société humaine. La lecture de Montesquieu, de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, de Saint-Simon, de Fourier et de Sartre a raffermi ma conviction dans le rôle du progrès de la pensée pour celui de l'Humanité. En lisant des ouvrages écrits par Montaigne, La Fontaine, Molière, Stendhal, Balzac, Hugo, Dumas père et fils, George Sand, Flaubert, Maupassant et Romain Rolland, j'ai acquis une meilleure compréhension de la vie humaine. Des personnages comme Jean Valjean, Quasimodo et Boule de suif sont solidement ancrés dans ma mémoire. La beauté des œuvres de de Millet, de Manet, de Degas, de Cézanne, de Monet et de Rodin, ainsi que le parfait mariage des influences chinoises avec le style occidental dans les tableaux de Zao Wou-ki ont enrichi ma culture en art. S'y ajoutent aussi les romans de Jules Verne qui m'emmènent dans un monde d'imagination illimité. Sans oublier que la France séduit également les Chinois par son opéra, son ballet, son architecture, son sport, sa gastronomie, sa mode, son cinéma... Tout cela a été pour moi un enrichissement qui m'a permis de mieux savourer la culture de mon propre pays et d'apprendre davantage d'une civilisation humaine aussi profonde que riche.
- La clairvoyance, c'est la garantie fondamentale du développement de la relation sino-française. On disait que « les brumes ne pouvaient voiler le regard de celui qui est au sommet de la montagne ». Au cours des 50 ans écoulés, les dirigeants des deux pays ont toujours travaillé inlassablement dans un esprit visionnaire et stratégique pour transcender la confrontation des blocs, rechercher le consensus dans la divergence, et réaliser la coexistence pacifique et la coopération mutuellement bénéfique. La France a été la première puissance occidentale à avoir instauré avec la Chine un partenariat global, puis un partenariat global stratégique et un dialogue stratégique. Les deux pays ont initié ensemble de nombreux projets de coopération stratégique et maintenu un dialogue étroit dans les affaires internationales pour faire évoluer l'ordre international dans un sens plus juste et plus rationnel.
- La coopération gagnant-gagnant, c'est le puissant moteur du développement continu de la relation sino-française. La coopération entre la Chine et la France est une cause gagnant-gagnant. Les deux peuples en sont les plus grands bénéficiaires. Aujourd'hui, le volume des échanges commerciaux entre nos deux pays est 500 fois plus important qu'au lendemain de l'établissement des relations diplomatiques. La mobilité de personnes, quasi inexistante à l'époque, avoisine deux millions de déplacements par an. 50 000 Français apprennent le chinois, et 100 000 Chinois aprennent la langue de Molière. Récemment, Sophie Marceau a été invitée sur le plateau de la soirée de gala de l'année du cheval, émission très suivie en Chine. La coopération sino-française change ainsi discrètement la vie des deux peuples et contribuera chaque jour davantage au bien-être des deux pays.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Confucius disait : « À cinquante ans, on assimile bien les volontés du Ciel ». Au moment où la relation sino-française entre dans ses cinquante ans, nous avons à saisir le présent et à nous tourner vers le futur, pour mieux planifier l'avenir de cette relation et la rendre plus étroite, plus solide et plus particulière.
Premièrement, continuer à se témoigner respect et confiance pour consolider la base politique de la relation sino-française. Nous devons maintenir fermement cette relation dans la bonne direction. Il y a donc lieu pour nous de construire dans un esprit de solidarité, une communauté de destin, de mener un dialogue sincère pour parvenir à un consensus par-delà la divergence, et de soutenir fermement chacun les efforts de l'autre visant à préserver ses intérêts vitaux en matière de souveraineté, de sécurité et de développement. Il nous faut pour ce faire renforcer le dialogue stratégique, approfondir la coopération stratégique, et gérer adéquatement les divergences, de sorte à accroître la dimension stratégique, la stabilité et la prévisibilité de la relation sino-française et à mieux préserver les intérêts communs.
Deuxièmement, s'en tenir au bénéfice mutuel et au gagnant-gagnant pour consolider la base économique de la relation sino-française. C'est en prenant l'initiative que nous pourrons développer une coopération économique plus large et traduire l'excellence des rapports politiques en mieux-être des deux peuples. Nous venons de publier un plan de développement des relations sino-françaises à moyen et long terme, document programme qui guidera la coopération pragmatique entre les deux pays dans les années à venir. La Chine entend travailler ensemble avec la France pour identifier, avec un grand sens de communauté d'intérêts, davantage de points de convergence des intérêts et approfondir la coopération économique.
Troisièmement, construire une amitié éternelle pour consolider la base populaire de la relation sino-française. À l'occasion de la célébration des cinquante ans des relations diplomatiques, nous avons à nous appuyer sur le mécanisme d'échanges humains de haut niveau nouvellement mis en place pour encourager activement les différents milieux des deux pays à développer largement leurs échanges et coopérations, de telle sorte que les deux peuples soient défenseurs, acteurs et bénéficiaires de l'amitié et de la coopération sino-françaises, et que surtout les jeunes chinois et français s'engagent dans cette cause.
Quatrièmement, poursuivre l'ouverture pour contribuer ensemble à la croissance de l'économie mondiale. Il est dans l'intérêt de tous les pays du monde de rehausser la coopération économique, de promouvoir la libéralisation et la facilitation du commerce et de l'investissement et de combattre le protectionnisme. Il faut donc renforcer la coordination des politiques macro-économiques, promouvoir la réforme du système économique, financier et monétaire international, favoriser l'instauration d'un système commercial multilatéral ouvert et équitable, intensifier les échanges et la coopération en matière d'aide internationale et faire évoluer la globalisation économique dans un sens de bénéfice pour tous et de gagnant-gagnant.
Cinquièmement, maintenir une étroite coordination pour relever ensemble les défis planétaires. Nos deux pays ont à renforcer leurs consultation, concertation et coordination dans les affaires internationales et régionales et à poursuivre leurs efforts en faveur de la multipolarisation, de la démocratisation des relations internationales et des règles internationales élaborées collectivement à travers la concertation d'égal à égal, afin de faire de leurs relations une force majeure pour la paix mondiale et le progrès de l'Humanité.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Avec le rêve, avec les opportunités et avec le travail, on peut faire tout ce qu'il y a de plus beau dans le monde. Actuellement, le peuple chinois œuvre pour réaliser le rêve chinois du grand renouveau de la nation chinoise. Le Président Hollande a exprimé sa détermination à réenchanter le rêve français. Et lors de sa visite en Chine l'année dernière, il m'a proposé de travailler à la réalisation d'un rêve « franco-chinois » sur la base des rêves respectifs des deux peuples.
Depuis l'ère moderne, le plus grand rêve pour nous, les Chinois, est de réaliser le grand renouveau de la nation chinoise. La culture, la destinée et la réalité de la Chine font que nous ne pouvons réaliser notre rêve que sur cette voie de notre propre choix.
- Le rêve chinois, c'est la recherche de la paix. Il ne peut se réaliser que si la paix est garantie. La nation chinoise poursuit depuis des milliers d'années le haut idéal d'un monde de paix et de la Grande Concorde. Ayant connu de nombreuses souffrances dans le passé, elle attache un prix particulier à la paix et entend travailler ensemble avec les autres pays du monde pour la bâtir, la préserver et la vivre. L'Histoire le dira : réaliser le rêve chinois, c'est d'apporter au monde les opportunités, la paix et le progrès, et non la menace, le trouble et la décadence. Napoléon disait : « La Chine est un lion endormi, le jour où elle s'éveillera, le monde tremblera ». Aujourd'hui, ce lion s'est réveillé, et il se veut pacifique, sympathique et civilisé.
- Le rêve chinois, c'est la quête du bonheur. Le rêve chinois est celui de la nation chinoise et de chaque Chinois. C'est celui qui fait que chacun a l'occasion de se développer, de servir la société, de réussir et de réaliser son rêve. Nous voulons faire en sorte que notre peuple ait un droit égal de participation et de développement, que l'équité et la justice sociales soient défendues et que tous les Chinois puissent, de manière plus équitable, tirer davantage profit du développement et avancer d'un pas ferme vers une prospérité commune.
- Le rêve chinois, c'est le service au monde. « Un homme pauvre travaille dans la solitude à se perfectionner, il rend tous les autres parfaits s'il est dans la prospérité. » Les Chinois préconisent depuis toujours cette grandeur d'âme. La réussite de la Chine, c'est non seulement une responsabilité envers elle-même, mais aussi une contribution au monde. Avec notre développement, nous nous sommes efforcés de rendre service à la paix et au développement dans le monde, et nous continuerons à le faire dans l'avenir.
Pour réaliser ce rêve chinois, nous nous sommes fixé deux objectifs grandioses : parachever la construction sur tous les plans d'une société de moyenne aisance avant le centenaire du PCC en doublant d'ici 2020 le PIB chinois et le revenu par habitant par rapport à 2010, et réaliser avant le centenaire de la Chine nouvelle le grand renouveau de la nation chinoise en faisant de la Chine un pays socialiste moderne, prospère, démocratique, harmonieux et hautement civilisé à l'horizon 2050.
Pour réaliser ce rêve chinois, il est donc nécessaire, à notre avis, d'approfondir la réforme dans tous les domaines, de libérer davantage la pensée, de développer les forces productives et d'accroître la vitalité de la société chinoise. En novembre dernier, la 3e session plénière du Comité central issu du 18e Congrès du PCC a pris un ensemble de dispositions en matière d'approfondissement général de la réforme et sonné la mobilisation pour le nouveau tour de réforme. Nous veillerons, à travers des actions sur les plans économique, politique, culturel, social et écologique, à améliorer et développer le système socialiste à la chinoise et à moderniser le système et la capacité de gouvernance du pays, de sorte à donner une place décisive au marché dans l'attribution des ressources et à mieux faire jouer au gouvernement son rôle. Actuellement, un plan général a été défini, et les responsabilités sont claires. L'heure est à la mise en œuvre.
En envisageant l'avenir, nous sommes convaincus que le développement de la Chine, qui recèle une grande potentialité et qui a devant lui de belles perspectives, créera davantage de possibilités de coopération pour tous les pays du monde.
« Les choses du monde se développent sans rivalité, et les quatre saisons alternent sans contradiction ». Le rêve chinois est une chance pour la France, tout comme le rêve français l'est pour la Chine. Inaugurer une nouvelle étape d'un partenariat global stratégique sino-français étroit et solide est le seul choix juste qui nous impose. C'est aussi le consensus stratégique le plus important que le Président Hollande et moi avons dégagé au cours de cette visite. J'espère sincèrement que les deux pays et les deux peuples, dans la poursuite de leurs rêves respectifs, se prêteront compréhension et assistance pour réaliser ensemble le « rêve sino-français ».
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
L'amitié entre peuples est la base d'un rapprochement entre États. L'excellence de la relation sino-française est due aux efforts des deux peuples qui ont toujours su se témoigner compréhension, sympathie et aide.
Nous ne saurons jamais oublier les nombreux amis français ayant apporté une contribution de poids au développement tous azimuts de la Chine. Je citerais, entre autres, le médecin Jean Augustin Bussière qui, au risque de sa vie, a transporté à vélo de précieux médicaments vers les bases de lutte contre les agresseurs japonais, le médecin militaire Jean-Guillaume Houel qui a sauvé la jeune chinoise coincée dans l'ascenseur lors des fortes répliques du grand séisme de Wenchuan, Madame Françoise Grenot-Wang, appelée Fang Fang par les Chinois, qui a aidé des enfants chinois déscolarisés à retourner à l'école et M. Christian Bauer, entraîneur de plusieurs champions du monde de sabre chinois, sans oublier M. Alain Perrin, nouveau sélectionneur de l'équipe nationale masculine de football de Chine de qui les supporters chinois attendent beaucoup et à qui je forme les meilleurs vœux de réussite.
Un proverbe français dit : « Petit à petit, l'oiseau fait son nid ». Son équivalent chinois rappelle : « Un arbre géant naît d'une germe infime, une tour à neuf étages part d'une poignée de terre ». L'amitié sino-française est le fruit des efforts assidus des deux peuples. Je voudrais donc saisir cette occasion pour rendre un vibrant hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont apporté silencieusement leur contribution à l'amitié entre nos deux pays.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
En regardant le passé et le présent, je suis encore plus confiant en l'avenir de l'amitié sino-française qui se trouve aujourd'hui sur un nouveau point de départ historique. Que nous travaillions main dans la main pour créer de nouvelles perspectives de la relation sino-française.
Je vous remercie de votre attention.
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