Molière
Monsieur de Pourceaugnac
莫里哀
浦尔叟雅克先生
ACTE I
SCENE V
L'APOTHICAIRE, ÉRASTE.
ERASTE
Je crois, Monsieur, que vous êtes le médecin à qui l'on est venu parler de ma part.
L'APOTHICAIRE
Non, Monsieur, ce n'est pas moi qui suis le médecin ; à moi n'appartient pas cet honneur, et je ne suis qu'apothicaire, apothicaire indigne, pour vous servir.
ERASTE
Et Monsieur le médecin est-il à la maison ?
L'APOTHICAIRE
Oui, il est là embarrassé à expédier quelques malades, et je vais lui dire que vous êtes ici.
ERASTE
Non, ne bougez : j'attendrai qu'il ait fait ; c'est pour lui mettre entre les mains certain parent que nous avons, dont on lui a parlé, et qui se trouve attaqué de quelque folie, que nous serions bien aises qu'il pût guérir avant que de le marier.
L'APOTHICAIRE
Je sais ce que c'est, je sais ce que c'est, et j'étais avec lui quand on lui a parlé de cette affaire. Ma foi, ma foi ! vous ne pouviez pas vous adresser à un médecin plus habile : c'est un homme qui sait la médecine à fond, comme je sais ma croix de par Dieu, et qui, quand on devrait crever, ne démordrait pas d'un iota des règles des anciens. Oui, il suit toujours le grand chemin, le grand chemin, et ne va point chercher midi à quatorze heures ; et pour tout l'or du monde, il ne voudrait pas avoir guéri une personne avec d'autres remèdes que ceux que la Faculté permet.
ERASTE
Il fait fort bien : un malade ne doit point vouloir guérir que la Faculté n'y consente.
L'APOTHICAIRE
Ce n'est pas parce que nous sommes grands amis, que j'en parle ; mais il y a plaisir, il y a plaisir d'être son malade ; et j'aimerais mieux mourir de ses remèdes que de guérir de ceux d'un autre ; car, quoi qui puisse arriver, on est assuré que les choses sont toujours dans l'ordre ; et quand on meurt sous sa conduite, vos héritiers n'ont rien à vous reprocher.
ERASTE
C'est une grande consolation pour un défunt.
L'APOTHICAIRE
Assurément : on est bien aise au moins d'être mort méthodiquement. Au reste, il n'est pas de ces médecins qui marchandent les maladies : c'est un homme expéditif, expéditif, qui aime à dépêcher ses malades ; et quand on a à mourir, cela se fait avec lui le plus vite du monde.
ERASTE
En effet, il n'est rien tel que de sortir promptement d'affaire.
L'APOTHICAIRE
Cela est vrai : à quoi bon tant barguigner et tant tourner autour du pot ? Il faut savoir vitement le court ou le long d'une maladie.
ERASTE
Vous avez raison.
L'APOTHICAIRE
Voilà déjà trois de mes enfants dont il m'a fait l'honneur de conduire la maladie, qui sont morts en moins de quatre jours, et qui, entre les mains d'un autre, auraient langui plus de trois mois.
ERASTE
Il est bon d'avoir des amis comme cela.
L'APOTHICAIRE
Sans doute. Il ne me reste que deux enfants, dont il prend soin comme des siens ; il les traite et gouverne à sa fantaisie, sans que je me mêle de rien ; et le plus souvent, quand je reviens de la ville, je suis tout étonné que je les trouve saignés ou purgés par son ordre.
ERASTE
Voilà les plus obligeants soins du monde.
L'APOTHICAIRE
Le voici, le voici, le voici qui vient.