【法语阅读——驴皮记】La peau de chagrin(1.57)
Réveillé par une pensée, due peut-être à quelque émanation d'acide carbonique dégagé du vin de Champagne, un philosophe frissonna en songeant aux malheurs qui amenaient là ces femmes, dignes peut-être jadis des plus purs hommages. Chacune d'elles avait sans doute un drame sanglant à raconter. Presque toutes apportaient d'infernales tortures, et traînaient après elle des hommes sans foi, des promesses trahies, des joies rançonnées par la misère. Les convives s'approchèrent d'elles avec politesse, et des conversations aussi diverses que les caractères s'établirent. Des groupes se formèrent. Vous eussiez dit d'un salon de bonne compagnie où les jeunes filles et les femmes vont offrant aux convives, après le dîner, les secours que le café, les liqueurs et le sucre prêtent aux gourmands embarrassés dans les travaux d'une digestion récalcitrante. Mais bientôt quelques rires éclatèrent, le murmure augmenta, les voix s'élevèrent. L'orgie, domptée pendant un moment, menaça par intervalles de se réveiller. Ces alternatives du silence et de bruit eurent une vague ressemblance avec une symphonie de Beethoven.
Assis sur un moelleux divan, les deux amis virent d'abord arriver près d'eux une grande fille bien proportionnée, superbe en son maintien, de physionomie assez irré gulière, mais perçante, mais impétueuse, et qui saisissait l'âme par de vigoureux contrastes. Sa chevelure noire, lascivement bouclée, semblait avoir déjà subi les combats de l'amour, et retombait en flocons légers sur ses larges épaules qui offraient des perspectives attrayantes à voir. De longs rouleaux bruns enveloppaient à demi un cou majestueux sur lequel la lumière glissait par intervalles en révélant la finesse des plus jolis contours. La peau, d'un blanc mat, faisait ressortir les tons chauds et animés de ses vives couleurs. L'oeil, armé de longs cils, lançait des flammes hardies, étincelles d'amour ! La bouche, rouge, humide, entrouverte, appelait le baiser. Cette fille avait une taille forte, mais amoureusement élastique ; son sein, ses bras étaient largement développés, comme ceux des belles figures du Carrache ; néanmoins, elle paraissait leste, souple, et sa vigueur supposait l'agilité d'une panthère, comme la mâle élégance de ses formes en promettait les voluptés dévorantes. Quoique cette fille dût savoir rire et folâtrer, ses yeux et son sourire effrayaient la pensée. Semblable à ces prophétesses agitées par un démon, elle étonnait plutôt qu'elle ne plaisait. Toutes les expressions passaient par masses et comme des éclairs sur sa figure mobile. Peut-être eût-elle ravi des gens blasés, mais un jeune homme l'eût redoutée. C'était une statue colossale tombée du haut de quelque temple grec, sublime à distance, mais grossière à voir de près. Néanmoins, sa foudroyante beauté devait réveiller les impuissants, sa voix charmer les sourds, ses regards ranimer de vieux ossements ; aussi Emile la compara-t-il vaguement à une tragédie de Shakespeare, espèce d'arabesque admirable où la joie hurle, où l'amour a je ne sais quoi de sauvage, où la magie de la grâce et le feu du bonheur succè dent aux sanglants tumultes de la colère ; monstre qui sait mordre et caresser, rire comme un démon, pleurer comme les anges, improviser dans une seule étreinte toutes les séductions de la femme, excepté les soupirs de la mélancolie et les enchanteresses modesties d'une vierge ; puis en un moment rugir, se déchirer les flancs, briser sa passion, son amant ; enfin, se détruire elle-même comme fait un peuple insurgé. Vêtue d'une robe en velours rouge, elle foulait d'un pied insouciant quelques fleurs déjà tombées de la tête de ses compagnes, et d'une main dédaigneuse tendait aux deux amis un plateau d'argent. Fière de sa beauté, fière de ses vices peut-être, elle montrait un bras blanc, qui se détachait vivement sur le velours. Elle était là comme la reine du plaisir, comme une image de la joie humaine, de cette joie qui dissipe les trésors amassés par trois générations, qui rit sur des cadavres, se moque des aïeux, dissout des perles et des trônes, transforme les jeunes gens en vieillards, et souvent les vieillards en jeunes gens ; de cette joie permise seulement aux géants fatigués du pouvoir, éprouvés par la pensée, ou pour lesquels la guerre est devenue comme un jouet.
也许是由于香槟酒散发出的碳酸气的刺激,一位哲学家打了一个寒噤,忽然清醒过来,想到这群由于各种不幸遭遇而到这里来的女人,她们以前也许配得上人们最纯正的敬意。她们每人无疑都有一出流血的悲剧向人倾诉。她们每人几乎都有摆在面前的无穷无尽的痛苦,和拖在背后的没有良心,忘恩负义的男子,以及用悲惨的代价换来的欢乐。宾客们有礼貌地走近她们,于是随着各种不同的性格,各种不同的谈话也开始了。各个会话的小集团也形成了。你也许会以为这是在上流社会的沙龙里,少女和少妇们在餐后献给宾客们咖啡、酒和糖果,帮助嘴馋的宾客克服消化的困难。但是,不久就爆发出阵阵的笑声,窃窃的私语增加了,声音也逐渐提高。这场狂欢的夜宴被控制了一会儿,经过一阵间歇,又有再度爆发的危险。这种寂静和喧哗的交替,仿佛是一曲贝多芬的交响乐在演奏。
两位朋友坐在一张柔软的长沙发上,他们首先发现一个身段很匀称的高个子姑娘来到他们身边,她仪态万方,面型相当奇特,但是,很富刺激性,很有吸引力,正是由于有强烈的对比,反而牢牢地攫住了人们的灵魂。她那头浓黑的头发,一簇簇发鬈还带有滢荡的意味,好象曾经历了一场爱情的搏斗,发鬈蓬松地飘落在她宽阔的肩膊上,从她的双肩使人联想到更引人入胜的地方。一簇簇的黑色长发鬈半遮着她端庄的脖子,不时透过发鬈射进来的光线,使人看得见脖子上细致的,最美丽的轮廓。她那不很白的皮肤,反而衬托出了她容颜的鲜艳和色调的生动。她那双长着长睫毛的眼睛,放射出大胆的光焰和爱情的火花!她那张鲜红湿润的嘴,双唇半开半合,唤起人们接吻的欲望。这姑娘有一副强壮但却富有性感的健美体格;她的胸脯和胳臂都很发达,和卡拉什①画的美女形象差不多;尽管如此,整个看来,她却显得轻盈和柔软,而她的生气勃勃,又会令人联想到雌豹的轻捷,正如她健美的体格会给人提供致命的肉欲的快乐。尽管这姑娘似乎应该懂得逗笑和玩乐,她的眼睛和微笑却使人害怕。就象有恶魔附身的女先知似的,与其说她使人喜欢,毋宁说她使人惊愕。她所有的表情密集地象闪电般从她灵活的脸部掠过。也许她曾经使厌倦的人发生兴趣,但是一个青年人对她却只有恐惧。她就象从一座古希腊神殿的高处掉下来的一尊大型雕像,远看似乎是绝妙的精品,近看却粗糙不堪。尽管如此,她那惊人的美貌一定能够使阳萎的人勃起,她的迷人的声音,能够使聋子复聪,她的诱人的眼神能够使枯骨复生;因此,爱弥尔随便把她比作一出莎士比亚的悲剧,比作某种阿拉伯风格的绝妙图案画,画上表现快乐在怒吼,爱情显得不知道有多么野蛮,暴怒的血淋淋的蚤乱继之以优美的魔法和幸福的火焰;他还把她比作既会咬人,也会爱抚人的怪物,它似魔鬼那样狂笑,象天使般哭泣,它懂得在一次骤然的拥抱中施展出女人的浑身解数,除了处女忧郁的叹息和羞怯的欢乐;然后,在突然狂怒的瞬间,撕破自己的两胁,粉碎她的情欲和她的情人;最后毁灭她自己,就象暴乱的人民所干的那样。她身上穿一件红丝绒的长袍,毫不在乎地践踏从女伴头上掉下的几朵鲜花,并且把手里拿的银托盘傲慢地伸到两位朋友面前。她为自己的美貌自豪,也许是为自己的滢荡而骄傲,她露出一只在红丝绒衬托下分外洁白的胳膊。她站在那儿,就象欢乐的女王,象人类快乐的象征,为这种快乐,人们可以挥霍掉祖宗三代积累下来的财富,人们可以站在死尸上狂笑,嘲弄自己的祖先,拆散珍珠和金座,把青年人变成老头子,更常见的是把老汉变成青年;而这种快乐只属于那种经过思想的检验,对权力已发生厌倦的巨人,或者那种对他们来说,战争已成为一种游戏的人物。
①卡拉什(1560—1609),意大利画家。