le vieux Chinois gisait au milieu du plancher. Il était tombé en bas de la
console en voulant les poursuivre, et il s’était brisé en trois morceaux. Tout
le dos s’était détaché du reste du corps, et la tête avait roulé dans un coin. Le
Grand-général-commandant-en-chef-Jambe-de-Bouc conservait toujours la
même position et réfléchissait.
« C’est terrible, dit la petite bergère, le vieux grand-père s’est brisé,
et c’est nous qui en sommes la cause ! Oh ! je ne survivrai jamais à ce
malheur ! »
Et elle tordait ses petites mains.
« On pourra encore le recoller, dit le ramoneur oui, on pourra le recoller.
Allons, ne te désole pas ; si on lui recolle le dos et qu’on lui mette une bonne
attache à la nuque, il deviendra aussi solide que s’il était tout neuf, et pourra
encore nous dire une foule de choses désagréables.
– Tu crois ? » dit-elle.
Et ils remontèrent sur la console où ils avaient été placés de tout temps.
« Voilà où nous en sommes arrivés, dit le ramoneur ; nous aurions pu
nous épargner toute cette peine.
– Oh ! si seulement notre vieux grand-père était recollé ! dit la bergère.
Est-ce que ça coûte bien cher ? »
Et le grand-père fut recollé. On lui mit aussi une bonne attache dans le
cou, et il devint comme neuf. Seulement il ne pouvait plus hocher la tête.
« Vous faites bien le fier, depuis que vous avez été cassé, lui dit
le Grand-général-commandant-en-chef-Jambe-de-Bouc. Il me semble que
vous n’avez aucune raison de vous tenir si roide : enfin, voulez-vous me
donner la main, oui ou non ? »
Le ramoneur et la petite bergère jetèrent sur le vieux Chinois un regard
attendrissant : ils redoutaient qu’il ne se mit à hocher la tête : mais il ne le
pouvait pas, et il aurait eu honte de raconter qu’il avait une attache dans le
cou.
Grâce à cette infirmité, les deux jeunes gens de porcelaine restèrent
ensemble ; ils bénirent l’attache du grand-père, et ils s’aimèrent jusqu’au
jour fatal où ils furent eux-mêmes brisés.