Cruche ont été fiancés, et il reste toujours un fond d’amitié après de pareilles
relations, même longtemps après. Non, il ne nous reste pas d’autre ressource
que de nous échapper dans le monde.
– Et en as-tu réellement le courage ? dit le ramoneur. As-tu songé comme
le monde est grand, et que nous ne pourrons plus jamais revenir ici ?
– J’ai pensé à tout, » répliqua-t-elle.
Et le ramoneur la regarda fixement, et dit ensuite : « Le meilleur chemin
pour moi est par la cheminée. As-tu réellement le courage de te glisser
avec moi dans le poêle et de grimper le long des tuyaux ? C’est par là
seulement que nous arriverons dans la cheminée, et là je saurai bien me
retourner. Il faudra monter aussi haut que possible, et tout à fait au haut
nous parviendrons à un trou par lequel nous entrerons dans le monde. » Il la
conduisit à la porte du poêle : « Dieu ! qu’il y fait noir ! » s’écria-t-elle.
Cependant elle l’y suivit, et de là dans les tuyaux, où il faisait une nuit
noire comme la suie.
« Nous voilà maintenant dans la cheminée, dit il. Regarde, regarde làhaut la magnifique étoile qui brille. »
Il y avait en effet au ciel une étoile qui semblait par son éclat leur montrer
le chemin : ils grimpaient, ils grimpaient toujours. C’était une route affreuse,
si haute, si haute ! mais il la soulevait, il la soutenait, et lui montrait les
meilleurs endroits où mettre ses petits pieds de porcelaine.
Ils arrivèrent ainsi jusqu’au rebord de la cheminée où ils s’assirent pour
se reposer, tant ils étaient fatigués : et ils avaient bien de quoi l’être !
Le ciel avec toutes ses étoiles s’étendait au-dessus d’eux, et les toits de la
ville s’inclinaient bien au-dessous. Ils promenèrent leur regard très loin tout
autour d’eux, bien loin dans le monde. La petite bergère ne se l’était jamais
figuré si vaste : elle appuyait sa petite tête sur le ramoneur et pleurait si fort
que ses larmes tachèrent sa ceinture.
« C’est trop, dit-elle ; c’est plus que je n’en puis supporter. Le monde est
trop immense : oh ! que ne suis-je encore sur la console près de la glace ! Je
ne serai pas heureuse avant d’y être retournée. Je t’ai suivi dans le monde ;
maintenant ramène-moi moi là-bas, si tu m’aimes véritablement. »
Et le ramoneur lui parla raison ; il lui rappela le vieux Chinois, et le
Grand-général-commandant-en-chef-Jambe-de-Bouc. Mais elle sanglotait
si fort, et elle embrassa si bien son petit ramoneur, qu’il ne put faire
autrement que de lui céder, quoique ce fût insensé.
Ils se mirent à descendre avec beaucoup de peine par la cheminée, se
glissèrent dans les tuyaux, et arrivèrent au poêle. Ce n’était pas certes un
voyage d’agrément, et ils s’arrêtèrent à la porte du poêle sombre pour écouter
et apprendre ce qui se passait dans la chambre.