revenir en hâte : ils l’aimaient tant !
Un jour, le soldat pensa : « C’est pourtant une chose bien singulière qu’on
ne puisse parvenir à voir cette princesse ! tout le monde est d’accord sur
sa parfaite beauté ; mais à quoi sert la beauté dans une prison de cuivre ?
N’y aurait-il pas un moyen pour moi de la voir ? Où est mon briquet ? »
Il fit feu. Houp ! voilà le chien avec les yeux comme des tasses à thé qui
est déjà présent.
« Pardon ! il est bien tard, dit le soldat, mais je voudrais voir la princesse,
ne fût-ce qu’un instant. »
Et voilà le chien parti. Le soldat n’avait pas eu le temps de se retourner
qu’il était revenu avec la princesse. Elle était assise sur son dos, si belle
qu’en la voyant on devinait une princesse. Le soldat ne put s’empêcher de
l’embrasser, car c’était un vrai soldat.
Puis le chien s’en retourna avec la princesse. Mais le lendemain tout en
prenant le thé avec le roi et la reine, elle leur raconta un rêve bizarre qu’elle
avait eu la nuit d’un chien et d’un soldat. Elle était montée à cheval sur un
chien, et le soldat l’avait embrassée.
« C’est une histoire très jolie, » dit la reine.
Cependant, la nuit suivante, on fit veiller une des vieilles dames
d’honneur auprès de la princesse, pour voir si c’était un véritable rêve.
Le soldat mourait d’envie de revoir la belle princesse ; le chien revint la
nuit, et l’emporta au grand galop. Mais la vieille dame d’honneur mit une
paire de bottes à l’épreuve de l’eau, et courut bien vite après lui. Lorsqu’elle
eut vu la maison où il était entré : « Je sais maintenant l’adresse, » pensat-elle ;
et, avec un morceau de craie, elle fit une grande croix sur la porte.
Ensuite elle retourna se coucher, et, peu de temps après, le chien revint aussi
avec la princesse. Mais s’étant aperçu qu’il y avait une croix blanche sur
la porte du soldat, il prit un morceau de craie, et fit des croix sur toutes
les portes de la ville. Assurément c’était très spirituel ; car, maintenant,
comment la dame d’honneur pourrait-elle retrouver la porte ?
Le lendemain matin, de bonne heure, le roi, la reine, la vieille dame
d’honneur et tous les officiers allaient pour voir où s’était rendue la
princesse.
« C’est là ! dit le roi en apercevant la première porte marquée d’une croix.
– Non, c’est là, mon cher mari, répliqua la reine en voyant la seconde
porte également marquée d’une croix.
– En voilà une ! en voilà une ! » dirent-ils tous, car ils virent des croix
sur toutes les portes. Alors ils comprirent qu’il était inutile de chercher.
Mais la reine était une femme d’esprit, qui savait faire autre chose qu’aller
en carrosse. Elle prit ses grands ciseaux d’or, coupa un morceau de soie, et
cousit une jolie petite poche. Elle la remplit de grains de sarrasin, l’attacha
au dos de la princesse et y fit un petit trou. Ainsi les grains devaient tomber
tout le long de la route que suivrait la princesse.