– Grand Dieu ! es-tu fou de dire de pareilles choses, au risque de te faire
couper la tête ? »
Mais ayant appris la vérité, il fit comprendre au méchant homme toute
l’horreur de sa conduite et la peine qu’il avait méritée. Là-dessus, grand
Claus effrayé sauta dans sa voiture, fouetta les chevaux et s’en retourna au
galop. Tout le monde le croyait fou.
« Je me vengerai ! s’écria-t-il sur la grande route, je me vengerai de petit
Claus ! »
Et, dès qu’il fut rentré, il prit un grand sac, alla chez petit Claus et lui
dit : « J’ai été ta dupe une seconde fois ! Après avoir abattu mes quatre
chevaux, j’ai tué ma nourrice ; toi seul es cause de tout le mal, mais tu ne
me tromperas plus. »
Puis, il saisit petit Claus par le milieu du corps, le fourra dans le sac, et
le jeta sur ses épaules en disant : « Je m’en vais te noyer ! »
Le chemin jusqu’à la rivière était long, et petit Claus lourd à porter : c’est
pourquoi le meurtrier entra dans un cabaret pour se rafraîchir, laissant le sac
derrière la maison, où personne ne passait.
Hélas ! hélas ! » soupira petit Claus dans le sac, se tournant et se
retournant ; mais il ne put arriver à délier la corde.
Par hasard, une vache, échappée de la prairie, se sauva de ce côté, et
un vieux berger courut à sa poursuite pour lui faire rejoindre son troupeau.
Voyant le sac qui remuait, il s’arrêta.
« Qui est là ? s’écria-t-il.
– Un pauvre jeune homme qui doit tout à l’heure entrer au paradis.
– Tu es bien dégouté ! Moi, pauvre vieillard, je serais bien content d’y
entrer le plus tôt possible.
– Et bien ! mon brave, ouvre le sac et mets-toi à ma place ; bientôt tu
y seras.
– De tout mon cœur ! dit le vieux berger en ouvrant le sac pour faire sortir
le petit Claus. Mais me promets-tu de garder mon troupeau ?
– Certainement ! »
Et le vieillard entra dans le sac, que petit Claus referma. Après cela, Claus
réunit tout le bétail, et s’en alla en le poussant devant lui.
Quelques moments après grand Claus sortit du cabaret et remit le sac sur
son dos. Il le trouva bien léger, car le vieux maigre berger pesait bien moins
que petit Claus. « C’est l’eau-de-vie qui m’a donné des forces, dit-il, tant
mieux. » Et arrivé à la rivière, il y jeta le berger en criant : « Maintenant tu
ne me tromperas plus ! »
Puis il prit le chemin de sa maison ; mais, à l’endroit où les routes se
croisaient, il rencontra petit Claus poussant devant lui un troupeau de bétail.
« Quoi ! s’écria grand Claus, ne t’ai-je pas noyé ?