Les jeunes filles présentèrent au prince un vin mousseux qu’il but avec
délices. Le fond du salon s’ouvrit et l’arbre de la science se montra au jeune
homme dans un tel éclat que ses yeux en furent éblouis.
Un chant doux et harmonieux comme la voix de sa mère se fit entendre,
et il semblait dire : « Mon enfant, mon cher enfant !
Alors la fée l’appela ; et le prince vola vers elle, oubliant sa promesse
dès le premier soir.
Cependant, en approchant de l’arbre, il eut un moment d’hésitation : mais
il en triompha bien vite.
« Il n’y a pas de péché, se dit-il, à suivre la beauté pour l’admirer. J’ai
encore assez d’empire sur moi pour ne pas enfreindre sa défense. »
La fée tira à elle quelques branches de l’arbre, et, un moment après, elle
se trouva cachée entièrement.
« Je n’ai pas encore péché, dit le prince, et je n’ai pas l’intention de le
faire. »
À ces mots il écarta les branches. La fée dormait déjà, elle souriait en
rêvant ; mais, comme il se penchait vers elle, il vit des larmes dans ses yeux.
« Ne pleure pas à cause de moi, être admirable ! souffla-t-il ; ce n’est que
maintenant que je comprends la félicité du Paradis ! Elle coule dans mon
sang, elle envahit ma pensée ; je sens dans mon corps terrestre la force du
chérubin et sa vie éternelle ! Que la nuit pour moi soit éternelle désormais !
Une minute comme celle-ci, c’est assez de bonheur. »
Et il essuya de ses baisers les larmes qui coulaient.