Le vieux domestique exécuta avec joie la commission, et porta le soldat
de plomb dans la vieille maison. Plus tard, le petit garçon, invité à rendre
visite au vieillard, y accourut avec la permission de ses parents.
À l’intérieur, la plus grande propreté régnait partout ; le corridor était
orné d’anciens portraits de chevaliers dans leurs armures et de femmes en
robes de soie. Au bout de ce corridor, s’offrait un grand balcon, peu solide,
il est vrai, mais tout garni de verdure et de vieux pots de fleurs, qui avaient
pour anses des oreilles d’âne.
Ensuite le petit garçon arriva dans la chambre où était assis le vieillard.
« Merci du soldat de plomb, mon petit ami, dit ce dernier ; merci de ta bonne
visite !
– On m’a dit, répliqua l’enfant, que tu étais toujours seul ; c’est pourquoi
je t’ai envoyé un de mes soldats de plomb pour te tenir compagnie.
– Oh ! reprit le vieillard en souriant, je ne suis pas absolument seul ; de
vieilles pensées viennent parfois me visiter, maintenant tu viens aussi ; je
ne suis pas à plaindre. »
Puis il prit sur une planche un livre d’images où l’on voyait des
processions magnifiques, des carrosses bizarres, comme il n’y en a plus,
et des soldats portant l’uniforme du valet de trèfle. On voyait encore des
corporations avec leurs drapeaux : le drapeau des tailleurs portait des ciseaux
soutenus par deux lions ; celui des cordonniers était orné d’un aigle, sans
souliers, il est vrai, mais à deux têtes. Les cordonniers veulent avoir tout en
double, pour former la paire.
Et, tandis que le petit garçon regardait les images, le vieillard alla dans
la chambre voisine chercher de la confiture des pommes et des noisettes. En
vérité, la vieille maison ne manquait pas d’agréments.
« Je ne pourrai jamais supporter cette existence, dit le soldat de plomb,
debout sur un coffre. Comme tout ici est triste ! quelle solitude ! Quel
malheur de se trouver en pareil lieu, pour celui qui est habitué à la vie de
famille ! La journée ne finit pas. Quelle différence avec la chambre où ton
père et ta mère s’entretenaient si gaiement, et où toi et tes frères, que j’aime,
faisiez un si charmant tapage ! Ce vieillard, dans sa solitude, ne reçoit jamais
de caresses ; il ne sait pas rire, et il se passe sans doute aussi de l’arbre de
Noël. Cette demeure ressemble à une tombe ; je ne pourrai jamais supporter
une telle existence !
– Ne te lamente pas tant, répondit le petit garçon ; moi, je me plais ici ;
et puis, tu sais qu’il reçoit souvent la visite de ses vieilles pensées.
– C’est possible, mais je ne les vois pas ; je ne les connais pas. Jamais
je ne pourrai rester ici !