le plus riche trésor. Les larmes d’un empereur ont une valeur particulière.
Dieu le sait, je suis suffisamment récompensé »
Et là-dessus il recommença ses chants si doux.
« Quelle coquetterie charmante ! » dit chacune des dames ; et pour
ressembler au rossignol, elles se mirent de l’eau dans la bouche pour faire
des roulades quand on leur parlait. Les laquais et les valets de chambre
manifestèrent aussi la plus vive satisfaction ; ce qui n’est pas peu dire, car
ce sont ces gens-là qui sont les plus difficiles à satisfaire.
Bref, le rossignol eut le plus grand succès.
À partir de ce jour, il lui fallut vivre à la cour. On lui donna une cage avec
la permission de se promener deux fois par jour et une fois la nuit. Il était
alors suivi de douze domestiques, dont chacun lui avait attaché au pied un
ruban de soie qu’il avait grand soin de pas lâcher. Une telle promenade ne
devait sans doute pas être des plus agréables.
Toute la ville parla dès lors de l’oiseau prodigieux ; on ne s’entretint
plus que de lui. Quand deux personnes s’abordaient, l’une disait aussitôt :
« Leros… » et avant qu’elle eût fini, l’autre avait déjà prononcé : « signol ! »
et on s’était compris.
La faveur dont l’oiseau jouissait dans le public était si grande, que onze
enfants de charcutiers furent appelés Rossignols, quoique leur gorge ne
possédât pas une seule note harmonieuse.
Un jour l’empereur reçut un gros paquet sur lequel il y avait : « Le
Rossignol. »
« Voilà sans doute un nouveau livre sur notre célèbre oiseau, » dit-il.
Au lieu d’un livre, il trouva un petit objet mécanique enfermé dans une
boîte. C’était un rossignol artificiel qui devait imiter le rossignol vivant ; il
était tout couvert de diamants, de rubis et de saphirs.