d’indignation et accusaient le rossignol d’ingratitude. « Heureusement nous
avons ici le meilleur des deux, » dirent-ils ; et ils se consolèrent en faisant
chanter à l’oiseau artificiel le même morceau pour la trente-quatrième fois.
Ces messieurs n’étaient pourtant pas encore parvenus à le savoir par cœur,
parce qu’il était très difficile.
Et le chef d’orchestre manqua d’expressions pour vanter l’oiseau ; il
surpassait de beaucoup, assurait-il, le rossignol véritable, non seulement par
sa robe et ses pierreries, mais aussi par son organisation intérieure.
« Car, voyez-vous, messeigneurs, et vous, grand empereur, avant tous,
chez le véritable rossignol on ne peut jamais calculer sûrement les notes
qui vont suivre ; mais chez l’oiseau artificiel, tout est déterminé d’avance.
On peut l’expliquer, on peut l’ouvrir, on peut montrer où se trouvent les
cylindres, comment ils tournent, et de quelle manière les mouvements se
succèdent.
– C’est notre opinion, dirent-ils tous ; et le chef d’orchestre obtint la
permission de montrer l’oiseau au peuple le dimanche suivant. L’empereur
ordonna aussi de le faire chanter, et tous ceux qui l’entendirent furent aussi
transportés que s’ils s’étaient enivrés avec du thé, ce qui est tout à fait
chinois, et tous s’écrièrent en même temps : « Oh ! » en levant l’index et
en remuant la tête.
Mais les pauvres pêcheurs qui avaient entendu le véritable rossignol
dirent : « C’est gentil ; les mélodies sont semblables, mais il y manque je
ne sais quoi. »
Le véritable rossignol fut banni de la ville et de l’empire.