Dès qu’on eut remonté le mécanisme il se mit à chanter un des morceaux
que le véritable rossignol chantait aussi ; et en même temps on voyait remuer
sa queue, sur laquelle étincelaient l’or et l’argent. Autour du cou il portait
un ruban avec cette inscription : « Le rossignol de l’empereur du Japon est
pauvre en comparaison de celui de l’empereur chinois. »
« C’est magnifique, » dirent tous les courtisans ; et celui qui avait apporté
l’oiseau artificiel reçut le titre de grand introducteur de rossignols auprès de
Sa Majesté Impériale.
« Qu’on les fasse chanter ensemble ; ce sera un superbe duo, » dit
l’empereur.
Et on les fit chanter ensemble ; mais le duo n’allait pas du tout ; car
le véritable rossignol chantait selon son inspiration naturelle, et l’autre
obéissait au mouvement des cylindres.
« Ce n’est pas la faute de celui-ci, dit le chef d’orchestre de la cour en
désignant l’oiseau artificiel ; car il chante parfaitement en mesure, et on dirait
qu’il a été formé à mon école. »
On le fit donc chanter seul : il eut autant de succès que le véritable, et il
plaisait bien davantage aux yeux ; car il brillait autant que les bracelets et
les broches des dames de la cour.
Il chanta ainsi trente-trois fois le même morceau et sans la moindre
fatigue. Ses auditeurs auraient bien voulu le faire recommencer encore, mais
l’empereur pensa que c’était légitimement le tour du rossignol vivant…
Mais où était-il ? Personne n’avait remarqué qu’il s’était envolé par la
fenêtre pour regagner sa verte forêt.