« Merci, merci, dit l’empereur. Merci, petit oiseau céleste ; je te reconnais
bien ; je t’ai chassé de ma ville et de mon empire, et cependant tu as mis en
fuite les méchantes figures qui assiégeaient mon lit ; tu as éloigné la Mort
de mon cœur. Comment pourrais-je te récompenser ?
– Tu m’as déjà récompensé, dit le rossignol. J’ai arraché des larmes à
tes yeux, la première fois que j’ai chanté. Je ne l’oublierai jamais ; ce sont
les diamants qui touchent l’âme d’un chanteur. Mais maintenant dors, pour
reprendre tes forces et te rétablir : je continuerai de chanter. »
Et pendant qu’il chantait, l’empereur fut pris d’un doux sommeil, d’un
sommeil calme et bienfaisant.
Le soleil brillait à travers la fenêtre lorsqu’il se réveilla fort et guéri.
Aucun de ses serviteurs n’était revenu auprès de lui ; on le croyait toujours
mort. Le rossignol seul était resté fidèlement à son poste.
« Tu resteras toujours auprès de moi, dit l’empereur ; tu chanteras quand
il te plaira, et l’oiseau artificiel, je le briserai en mille morceaux.
– Épargne-le, dit le rossignol ; il a fait le bien tant qu’il a pu ; garde-le
toujours. Pour moi, je ne puis ni bâtir mon nid ni demeurer dans le château ;
laisse-moi venir quand bon me semblera. Le soir, je chanterai sur la branche
près de ta fenêtre pour t’égayer et te faire réfléchir : je chanterai les heureux
et ceux qui souffrent, je chanterai le bien et le mal, tout ce qui n’est pas
connu de toi : car le petit oiseau vole partout, jusqu’à la cabane du pauvre
pêcheur et du laboureur, qui tous les deux vivent si loin de toi et de ta cour.
J’aime ton cœur plus que ta couronne, et cependant il sort d’une couronne
un parfum saint et céleste. Je viendrai et je chanterai ; mais promets-moi
seulement une chose.
– Tout ! répondit l’empereur, qui s’était revêtu de son costume impérial
et qui pressait contre son cœur son sabre d’or.
150
– Une seule chose : ne raconte à personne que tu as un petit oiseau qui
t’informe de tout. Crois-moi, tout n’en ira que mieux. »
Et le rossignol s’envola.
Un instant après les courtisans et les serviteurs entrèrent pour voir une
dernière fois leur défunt empereur.
… . Et voilà qu’ils restaient tout ébahis ; mais l’empereur leur dit tout
bonnement : Bonjour.