« Je n’ai jamais rien su de pareil ! dit l’empereur. De la musique, de la
musique ! Qu’on apporte le grand tam-tam chinois pour que je n’entende
plus ce qu’elles disent ! »
Et les figures continuèrent de parler, et la Mort répondait par un
hochement de tête chinois à tout ce qu’elles disaient.
« De la musique, de la musique ! répéta l’empereur. Toi, petit oiseau d’or,
chante, chante donc ! Je t’ai donné tant d’or et tant de diamants !
J’ai même suspendu ma pantoufle autour de ton cou. Veux-tu chanter ? »
Mais l’oiseau restait muet. Il n’y avait personne pour le remonter, et sans
ce secours il n’avait pas de voix.
Et la Mort continuait de tourner vers l’empereur ses orbites creuses. Et
le silence se prolongeait d’une manière effroyable.
Alors tout à coup, près de la fenêtre, se fit entendre un chant ravissant :
c’était le petit rossignol de la forêt qui chantait sur une branche. Il avait
appris la maladie de l’empereur, et il venait lui apporter de l’espoir et de
la consolation. Grâce au charme de sa voix, les visions devenaient de plus
en plus pâles, le sang circulait de plus en plus vivement dans les membres
affaiblis de l’empereur, et la Mort même écoutait en disant :
« Continue, petit rossignol, continue.
– Oui, répondit le rossignol, si tu veux me donner ton beau sabre d’or, et
ton riche drapeau, et la couronne de l’empereur. »
Et la Mort donnait à mesure chaque joyau pour une chanson, et le
rossignol continuait toujours ; il disait le cimetière paisible où poussent les
roses blanches, où le tilleul répand ses parfums, où l’herbe fraîche est arrosée
des larmes des survivants.
Et la Mort fut prise du désir de retourner à son jardin, et s’évanouit par
la fenêtre comme un brouillard froid et blanc.