Il mit en joue, et envoya tout son petit plomb dans le visage de messire
loup, qui fit une grimace affreuse, et continua cependant d’avancer sans se
laisser intimider. Le chasseur lui adressa une seconde décharge. Le loup
supporta sa douleur en silence et s’élança d’un bond sur le chasseur ; mais
celui-ci tira du fourreau sa lame acérée, et lui en porta dans les flancs de si
rudes coups que le pauvre animal, renonçant à sa vengeance, prit la fuite et
retourna tout sanglant vers le renard.
– Eh bien, lui cria le rusé compère, du plus loin qu’il l’aperçut, comment
t’es-tu tiré de ta rencontre avec l’homme ?
– Ne me le demande pas, répondit le loup tout confus, je ne me serais
jamais fait une telle idée de la force de l’homme ; il commença par prendre
un bâton qu’il portait sur le dos, souffla par un bout et m’envoya au visage
une certaine poussière qui m’a chatouillé de la manière la plus désagréable
du monde ; puis il souffla une seconde fois dans son bâton, et je crus recevoir
dans le nez une pluie de grêlons et d’éclairs ; enfin, lorsque je fus parvenu
tout près de lui, il tira de son corps une blanche côte, et m’en asséna des
coups si violents, que peu s’en est fallu que je ne restasse mort sur la place.
– Cela te prouve, répondit le renard, que l’on ne gagne pas toujours à
faire le fanfaron, et qu’il ne faut jamais promettre plus qu’on ne peut tenir.