Un ouvrier tailleur voyageait de ville en ville pour se perfectionner
dans son état. Les temps devinrent si difficiles, qu’il ne put plus trouver
d’ouvrage, et qu’il tomba dans une misère profonde. Dans cette extrémité,
il rencontra un juif au milieu d’un bois touffu ; et chassant de son cœur la
pensée de Dieu, il le saisit au collet et lui dit :
– La bourse, ou la vie !
Le juif répondit :
– De grâce, laissez-moi la vie ; je ne suis d’ailleurs qu’un pauvre juif, et
je n’ai que deux sous pour toute fortune.
Le tailleur crut que le juif lui en imposait ; et il reprit :
– Tu ments ; je suis sûr que ta bourse est bien garnie.
En achevant ces mots, il fondit sur le pauvre juif et lui asséna des coups
si violents, que le malheureux tomba expirant contre terre. Sur le point de
rendre le dernier soupir, le juif recueillit le peu qui lui restait de forces pour
prononcer ces paroles :
– Le soleil qui a vu ton crime, saura bien en rendre témoignage !
Et le pauvre juif avait cessé d’exister.
Aussitôt l’ouvrier tailleur se mit à fouiller dans les poches de sa victime,
mais il eut beau les retourner en tous sens, il n’y trouva que les deux sous
annoncés par le juif.