Et la femme accompagna cette réponse insidieuse des plus belles
promesses de discrétion : elle ensevelirait ce secret dans son sein ; elle ne lui
en parlerait même jamais plus. Bref, elle fit si bien, que le tailleur lui avoua
que jadis, dans ses années de compagnonnage, un jour, égaré par la misère et
la faim, il avait fait tomber sous ses coups, pour le dévaliser, un malheureux
juif ; et qu’au moment de rendre le dernier soupir, ce juif lui avait dit :
– Le soleil qui a vu ton crime saura bien en rendre témoignage !
– Et c’est à quoi je faisais allusion tout à l’heure, poursuivit le tailleur,
en voyant le soleil s’évertuer à faire des ronds dans ma tasse ; mais je t’en
supplie, veille bien sur ta langue ; songe qu’un seul mot pourrait me perdre.
La femme jura ses grands dieux qu’elle se montrerait digne de recevoir
un secret.
Or, son mari s’était à peine remis au travail, qu’elle courut en toute hâte
chez sa marraine, à qui elle raconta ce qu’elle venait d’apprendre, en lui
recommandant bien de n’en souffler mot à qui que ce soit.
Le lendemain, ce secret était celui de la ville entière ; si bien, que le
tailleur fut cité à comparaître devant le juge, qui le condamna à la peine qu’il
méritait.
Et c’est ainsi que le soleil, qui voit tous les crimes, finit toujours par en
rendre témoignage.