On a cru longtemps que c’était la mort instantanée. On s’est trompé. Voici
qui le prouvera.
Un homme qui naguère avait rendu de grands services à sa patrie, et
qui, par conséquent, était bien noté près du prince, eut le malheur, dans un
moment d’égarement et de passion, de commettre un crime par suite duquel
il fut jugé et condamné à mort. Prières et supplications n’y purent rien : on
décida qu’il subirait son arrêt. Toutefois, eu égard à ses bons antécédents le
prince lui laissa le choix de son genre de mort. En conséquence, l’huissier
criminel alla le trouver dans sa prison et lui dit :
– Le prince qui se souvient de vos anciens services, veut vous accorder
une faveur : il a donc décidé qu’on vous laisserait le choix de votre genre
de mort. Souvenez-vous seulement d’une chose, c’est qu’il faut que vous
mouriez.
Notre homme répondit :
– Puisqu’il est entendu que je dois mourir, tout en déplorant la rigueur
d’un destin cruel, je vous avouerai franchement que mourir de vieillesse m’a
toujours paru la mort la plus douce ; aussi est-ce pour cette mort là que je
me décide, puisque le prince a la bonté de me permettre de choisir.
On eut beau lui faire tous les raisonnements du monde, rien n’ébranla
son opinion ; comme le prince avait donné sa parole, et qu’il n’était pas
homme à y manquer, on se vit donc forcé de rendre la liberté au condamné,
et d’attendre que la vieillesse se chargeât de mettre à exécution l’arrêt porté
contre lui.