Un cri soudain près de l’arbre ; un mouvement confus… Nous accourons, Juliette est tombée sans connaissance dans les bras de ma tante. Chacun s’empresse, se penche vers elle, et je peux à peine la voir ; ses cheveux défaits semblent tirer en arrière sa face affreusement pâlie. Il paraissait, aux sursauts de son corps, que ce n’était point là un évanouissement ordinaire.
– Mais non ! mais non ! dit à haute voix ma tante, pour rassurer mon oncle Bucolin qui s’effare et que déjà le pasteur Vautier console, l’index dirigé vers le ciel, – mais non ! ce ne sera rien. C’est l’émotion ; une simple crise de nerfs. Monsieur Teissières, aidez-moi donc, vous qui êtes fort. Nous allons la monter dans ma chambre ; sur mon lit… sur mon lit.
Puis elle se penche sur l’aîné de ses fils, lui dit une phrase à l’oreille, et je vois celui-ci qui part aussitôt, sans doute chercher un médecin.
Ma tante et le prétendant maintiennent Juliette sous les épaules, à demi renversée dans leurs bras. Alissa soulève les pieds de sa sœur et les embrasse tendrement. Abel soutient la tête qui retomberait en arrière, – et je le vois, courbé, couvrir de baisers ces cheveux abandonnés qu’il rassemble.
Devant la porte de la chambre, je m’arrête. On étend Juliette sur le lit ; Alissa dit à M. Teissières et à Abel quelques mots que je n’entends point ; elle les accompagne jusqu’à la porte, nous prie de laisser reposer sa sœur, auprès de qui elle veut rester seule avec ma tante Plantier.
Abel me saisit par le bras et m’entraîne au-dehors, dans la nuit où nous marchons longtemps, sans but, sans courage et sans pensée.