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LA PORTE ÉTROITE(32)

时间:2025-09-17来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:Juliette est heureuse; elle le dit, le parat; je nai pas le droit, pas de raison dendouter Do me vientprsent, auprs dell
(单词翻译:双击或拖选)

Juliette est heureuse ; elle le dit, le paraît ; je n’ai pas le droit, pas de raison d’en

douter… D’où me vient à présent, auprès d’elle, ce sentiment d’insatisfaction, de malaise ?

– Peut-être à sentir cette félicité si pratique, si facilement obtenue, si parfaitement sur

mesure qu’il semble qu’elle enserre l’âme et l’étouffe…

Et je me demande à présent si c’est bien le bonheur que je souhaite ou plutôt

l’acheminement vers le bonheur. Ô Seigneur ! Gardez-moi d’un bonheur que je pourrais

trop vite atteindre ! Enseignez-moi à différer, à reculer jusqu’à Vous mon bonheur.

De nombreuses feuilles ensuite avaient été arrachées ; sans doute relataient-elles notre

pénible revoir du Havre. Le journal ne reprenait que l’an suivant ; feuillets non datés,

mais certainement écrits au moment de mon séjour à Fongueusemare.

Parfois, en l’écoutant parler je crois me regarder penser. Il m’explique et me découvre à

moi-même. Existerais-je sans lui ? Je ne suis qu’avec lui…

Parfois j’hésite si ce que j’éprouve pour lui c’est bien ce que l’on appelle de l’amour –

tant la peinture que d’ordinaire on fait de l’amour diffère de celle que je pourrais en faire.

Je voudrais que rien n’en fût dit et l’aimer sans savoir que je l’aime. Surtout je voudrais

l’aimer sans qu’il le sût.

De tout ce qu’il me faut vivre sans lui, rien ne m’est plus d’aucune joie. Toute ma vertu

n’est que pour lui plaire et pourtant, près de lui, je sens ma vertu défaillante.

J’aimais l’étude du piano parce qu’il me semblait que je pouvais y progresser un peu

chaque jour. C’est peut-être aussi le secret du plaisir que je prends à lire un livre en langue

étrangère : non certes que je préfère quelque langue que ce soit à la nôtre ou que ceux de

nos écrivains que j’admire me paraissent le céder en rien aux étrangers – mais la légère

difficulté dans la poursuite du sens et de l’émotion, l’inconsciente fierté peut-être de la

vaincre et de la vaincre toujours mieux, ajoute au plaisir de l’esprit je ne sais quel

contentement de l’âme, dont il me semble que je ne puis me passer.

Si bienheureux qu’il soit, je ne puis souhaiter un état sans progrès. Je me figure la joie

céleste non comme une confusion en Dieu, mais comme un rapprochement infini,

continu… et si je ne craignais de jouer sur un mot, je dirais que je ferais fi d’une joie qui ne

serait pas progressive.

Ce matin nous étions assis tous deux sur le banc de l’avenue ; nous ne disions rien et

n’éprouvions le besoin de rien dire… Tout à coup, il m’a demandé si je croyais à la vie

future.

– Mais, Jérôme, me suis-je écriée aussitôt, c’est mieux pour moi qu’une espérance :

c’est une certitude…

Et brusquement il m’a semblé que toute ma foi s’était comme vidée dans ce cri.

– Je voudrais savoir ! a-t-il ajouté… il s’est arrêté quelques instants, puis : – Agirais-tu

différemment, sans ta foi ?

– Comment puis-je le savoir, ai-je répondu ; et j’ajoutai : – Mais toi-même, et malgré

toi, mon ami, tu ne peux plus agir autrement que tu ne ferais, animé par la foi la plus vive.

Et je ne t’aimerais pas, différent.

Non, Jérôme, non, ce n’est pas la récompense future vers quoi s’efforce notre vertu : ce

n’est pas la récompense que cherche notre amour. L’idée d’une rémunération de sa peine

est blessante à l’âme bien née. La vertu n’est pas non plus pour elle une parure : non, c’est

la forme de sa beauté.

Papa va de nouveau moins bien ; rien de grave j’espère, mais il a dû se remettre au lait

depuis trois jours.

Hier au soir, Jérôme venait de monter dans sa chambre ; papa, qui prolongeait avec moi

la veillée, m’a laissée seule quelques instants. J’étais assise sur le canapé, ou plutôt – ce qui

ne m’arrive presque jamais – je m’étais étendue, je ne sais pourquoi. L’abat-jour abritait de

la lumière mes yeux et le haut de mon corps ; je regardais machinalement la pointe de mes

pieds, qui dépassait un peu ma robe et qu’un reflet de lampe accrochait. Quand papa est

rentré, il est resté quelques instants debout devant la porte à me dévisager d’une manière

étrange, à la fois souriante et triste. Vaguement confuse, je me suis levée ; alors il m’a fait

signe.

– Viens t’asseoir près de moi, m’a-t-il dit et, bien qu’il fût déjà tard, il a commencé à

me parler de ma mère, ce qu’il n’avait jamais fait depuis leur séparation. Il m’a raconté

comment il l’avait épousée, combien il l’aimait et ce que d’abord elle avait été pour lui.

– Papa, lui ai-je dit enfin, je te supplie de me dire pourquoi tu me racontes cela ce soir,

ce qui te fait me raconter cela précisément ce soir…

– Parce que, tout à l’heure, quand je suis rentré dans le salon, et que je t’ai vue, comme

tu étais étendue sur le canapé, un instant j’ai cru revoir ta mère.

Si j’insistais ainsi, c’est que, ce même soir… Jérôme lisait par-dessus mon épaule,

debout, appuyé contre mon fauteuil, penché sur moi. Je ne pouvais le voir mais sentais son

haleine et comme la chaleur et le frémissement de son corps. Je feignais de continuer ma

lecture, mais je ne comprenais plus ; je ne distinguais même plus les lignes ; un trouble si

étrange s’était emparé de moi que j’ai dû me lever de ma chaise, en hâte, tandis que je le

pouvais encore. J’ai pu quitter quelques instants la pièce sans qu’heureusement il se soit

rendu compte de rien… Mais quand, un peu plus tard, seule dans le salon, je m’étais

étendue sur ce canapé où papa trouvait que je ressemblais à ma mère, précisément alors

c’est à elle que je pensais.

J’ai très mal dormi cette nuit, inquiète, oppressée, misérable, obsédée par le souvenir du

passé qui remontait en moi comme un remords. Seigneur, enseignez-moi l’horreur de tout

ce qui a quelque apparence du mal.

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