Les hommes d'esprit aiment l'esprit partout où ils le rencontrent, et alors même que l'on s'en sert contre eux. Voici, à l'appui de cette opinion, une anecdote assez curieuse, qui se rattache au souvenir de la bataille de Kollin. On sait qu'elle fut gagnée en 1757 par le maréchal autrichien Daun sur Frédéric II, roi de Prusse.
Nous sommes à Berlin, après la conclusion de la paix définitive. Frederic aime à se promener dans sa capitale où il est acclamé par tous, mais où chacun tremble devant son regard sévère. Un jour, il rencontre un de ses vieux grenadiers de la Guerre de Sept Ans, dont le visage est tout sillonné d'énormes balafres. «Dans quelle auberge, lui demande le roi d'un ton moqueur, t'es-tu fait arranger de la sorte?--Sire, répond le grognard sans se déconcerter, dans une auberge où vous avez payé votre écot: à Kollin.» À ces mots, Frédéric fronça d'abord les sourcils; puis, s'il faut en croire la légende, il sourit et récompensa celui qui avait su répondre spirituellement à sa blessante question.--CLAUDE AUGÉ.
Les hommes d'esprit reconnaissent-ils l'esprit chez les autres?--De quelle bataille est-il question dans cette anecdote?--Où la scène se passe-t-elle?--Frédéric jouissait-il de beaucoup d'estime dans sa capitale?--Avait-on ordinairement peur de lui?--Quelle rencontre a-t-il faite une fois?--Qu'est-ce qui a attiré surtout l'attention du roi?--Qu'est-ce qu'il a demandé à l'inconnu?--Quelle réponse spirituelle a-t-il tirée du soldat?--Comment a-t-il pris la chose,--en bonne ou en mauvaise part?