«Qu'on renvoie cette petite, criait-il, je n'entends pas qu'elle reste ici! J'y étais avant elle! qu'elle sorte de la maison!»
M. Nizerolles, attiré par le bruit, sortit de son cabinet, et prenant le petit furieux dans ses bras, il lui dit:
«Ta soeur ne quittera pas la maison, mauvais garnement, mais ce sera toi. Puisque nous ne savons pas t'élever, je vais te mettre en meilleures mains; car ici tu deviendrais un mauvais sujet.»
On attela la voiture, et, malgré les prières de Mme Nizerolles et les larmes de la bonne, le père de Charles le conduisit au lycée de la ville voisine où ils arrivèrent le soir très-tard.
«Monsieur, dit M. Nizerolles au proviseur, je vous amène l'enfant le plus mal élevé que vous ayez jamais eu sous votre direction. Comme au fond il n'est ni sot ni méchant, j'espère que vous en ferez un garçon supportable; et, pour y parvenir, je vous autorise à user de toute la rigueur que vous jugerez convenable. Et toi, Charles, rappelle-toi que tu ne me reverras que quand M. le proviseur m'assurera que tu mérites l'affection que nous avions pour toi.»
Charles, qui n'avait pu croire qu'on voulût l'éloigner réellement de la maison, fut si atterré qu'il laissa partir son père sans dire un seul mot. C'était l'heure du coucher; il alla au dortoir des petits et passa la nuit à pleurer. Le lendemain au matin, quand on lui donna un bol de lait comme aux autres, il dit qu'il ne mangeait pas de lait sans sucre.
«On ne donne pas de sucre ici, monsieur.
—Eh bien! je ne prendrai pas votre lait.»
Et il jeta le bol et le pain au milieu de la cour. Dans la salle d'étude il fut assez tranquille, regardant tous ses nouveaux camarades les uns après les autres. A la récréation, quelques écoliers vinrent proposer à Charles de jouer avec eux.
«Laissez-moi tranquille! je n'ai pas besoin de vous pour m'amuser.
—Tiens! ce monsieur bourru!» dirent les enfants.
Et ils s'attroupèrent autour de lui.